Saez : paroles de fans
On aime ou on n’aime pas. Parfois on aime… puis on n’aime plus les absences et les silences. Et en matière de silences, Saez sait faire. Mais le soir du 29 décembre, il a su se faire (ré)adorer. Et à la fois charmer et émouvoir.
Saez, c’est un peu l’histoire d’une œuvre qui fera toujours l’unanimité chez les fans. Parce que la poésie – et la musique – sont ses meilleures armes. Mais les promesses, parfois non tenues, ont aussi tendance à les agacer. Le soir du 29 décembre pourtant, quatre heures de concert ont forcément réconcilié l’artiste avec ceux qui piaffaient d’impatience ou à l’inverse se demandaient s’il fallait vraiment suivre Saez dans un concert solo dont on ne savait finalement pas grand-chose… Qui plus est, un concert qui tenait plus de la soirée (presque) privée, puisque le poète avait décidé de s’affranchir des réseaux habituels de vente pour ne proposer ses places qu’en direct, via son site Internet. Un seul chiffre résume finalement la fidélité de ceux qui le suivent : 6 000. Six mille, dans un Zenith de Paris dont il a fait son antre.
Saez ? Convaincant ? Vraiment ? Ce sont les fans – ceux qui avaient rejoint la capitale un peu comme ils partent en pèlerinage -, qui résument le mieux la soirée. Et qui attendent sans doute avec beaucoup d’excitation le double album qui devait y être enregistré en direct.
« Faire chavirer les esprits… »
Patrice, de Bordeaux, avoue ainsi être « arrivé devant le Zenith de Paris dans une extrême lassitude de l’artiste (mais) la magie du poète révolté a une nouvelle fois opéré et ce, dès le premier morceau. Près de quatre heures d’amour, de larmes, de sourires, de connivence avec son public (…) ce type qu’on peut à la fois détester et aimer n’a perdu en rien sa capacité de faire chavirer les corps et les esprits (…) »
« Mélancolie »
Cecilia, elle aussi de Gironde, va dans le même sens. « Après trois ans d’attente j’attendais beaucoup de ce concert (…) J’avais en moi le souvenir incroyable de celui du Bataclan et de mon premier Zenith avec Saez. Arrivée sur place, très rapidement de nombreux visages – de connaissances – sont apparus dans la file d’attente, les conversations ont vite tourné autour des dernières informations sur Saez, les réseaux sociaux, les prochains concerts, les nouvelles chansons… Une fois à l’intérieur, sur la scène, un grand canapé Chesterfield, une batterie, des guitares, un grand pupitre devant le canapé… On attend, on observe… puis la lumière rouge envahit la scène et les lumières de la salle s’éteignent progressivement. Damien Saez apparaît, il sourit discrètement pendant que déjà les applaudissements envahissent la salle. Il n’a pas encore dit un mot ni joué une seule note, mais comme moi les gens sont juste heureux. Saez se pose sur le canapé, mémorise ses accords et entame les nouveaux morceaux. Mélancolie est bien choisi comme titre pour cette première partie. La mélancolie nous gagne au son de sa voix, toujours là, et de ces nouveaux textes qu’on écoute attentivement et qu’on essaie de mémoriser. On aura droit à La beauté du cœur, Les patriotes, Le chanteur démodé, Saint-Petersbourg, Fauché, A nos amours, Tango… De merveilleuses retrouvailles qui se terminent en apothéose, avec Les enfants paradis et Tu y crois ? »
« Jamais ressenti un tel engouement »
Sarah allait-elle aller à contresens ? Dès le début du concert, alors que « les lumières se sont baissées, l’euphorie s’est emparée de l’auditoire. Un Zenith debout, alors même que Damien peinait à rejoindre le canapé central, béquille à la main, après un accident récent. Il s’est alors arrêté, en costume ; a “regardé” les applaudissements, a “écouté” les sourires ; et n’a pas pu, malgré sa pudeur, retenir le sien (…) Chaque morceau, merveilleusement écrit comme seul lui en a le secret, nourrissait une ferveur incroyable. De mémoire de concerts de Saez, je n’avais jamais ressenti un tel engouement, même au Bataclan en 2016. J’ai alors retrouvé le Saez que j’ai toujours connu, celui que j’ai toujours admiré : celui des rimes et des révoltes, celui des vers et de la lutte. Il a chanté l’Amour, il a chanté l’Insurrection, dans un mélange harmonieux que toute la salle attendait. Il a fait dresser nos poils en interprétant Patriote. Et puis dans Chanteur démodé, il a parlé de lui, de sa vision de ce qu’il était devenu, non sans sarcasme et modestie. »
« Ces nouvelles chansons sont une grande réussite, ajoute-t-elle, aucune n’est à retirer, elles sont écrites d’une plume rare et talentueuse, et nous ne pouvons qu’attendre avec impatience l’heure de pouvoir les réécouter. Il nous a confié à plusieurs reprises combien il aimait son public, avec des mots forts qu’il n’a pas l’habitude d’employer : “C’est pas je suis, c’est nous sommes”. Si souriant, si reconnaissant… Il n’a pu s’empêcher ensuite de “chauffer” un peu son public, avec l’arrivée de ses deux musiciens, qui l’ont accompagné pour de l’acoustique moins acoustique, pour faire chanter J’accuse, ou espérer Des ptits sous. Mais c’est sur des chansons plus profondes, comme Jeunesse lève-toi, notamment, qu’il a subjugué le public. Toute la salle s’est émue, elle ne s’est plus rassise, et a chanté avec lui, parfois même plus fort que lui. Des moments suspendus, forts, gravés à jamais. L’ultime émotion fut sans doute Les enfants paradis, quand le Zenith s’est illuminé pour rendre hommage aux victimes de 2015. Autant d’étoiles qui ont valu quelques larmes à Saez… (…) Saez a démontré, en ce jeudi de décembre, qu’il était un artiste, un vrai, engagé, comme il n’en existe plus. Il a montré qu’il n’avait rien perdu de sa plume, de sa verve, de sa sublime. Il a démontré qu’il pouvait remplir une si grande salle sans aucun passage télé ou radio, sans aucune publicité, sans même avoir besoin d’ouvrir une billetterie des mois à l’avance. Il s’est présenté souriant, heureux, reconnaissant, et s’est pris les remerciements de son public à bras ouverts et à cœur tendu. “Sans déconner, il faut qu’on se fasse des concerts plus souvent”, l’artiste avait tout dit… »
Prochaine(s) étape(s), et pas des moindres, sans doute un ou des albums studio, en plus du double enregistré le 29 décembre. Puis, le 1er juillet, un autre concert aux arènes de Nîmes, qui devrait tout autant prendre aux tripes, puisqu’il se jouera (et sera aussi enregistré) avec un orchestre classique.
Propos recueillis par Christophe Bonnefoy
Informations utiles sur www.saez2021.fr