Sa victime est une ado de 15 ans : prison ferme pour le « prédateur sexuel »
Le prévenu a eu beau soutenir n’avoir rien prémédité des atteintes à caractère sexuel d’une ado de 15 ans, il n’a pas convaincu le tribunal judiciaire de Chaumont. Arnaud Born, a été condamné vendredi 27 octobre à 3 ans de prison, dont 18 mois ferme.
« Je ne comprends pas ». À l’audience de correctionnelle du tribunal judiciaire de Chaumont, vendredi 27 octobre, Arnaud Born reconnaît sans barguigner les faits qui lui sont reprochés. La présidente vient d’évoquer des « atteintes sexuelles » sur une mineure, qu’elle a détaillés : une « suite d’attouchements » avant de se positionner « à califourchon » sur l’adolescente et de « lui lécher un sein ». La jeune Gaëlle* est la fille d’une employée de la compagne du prévenu. En Haute-Marne, Arnaud Born est actionnaire d’une station-service à Chaumont dont elle est gérante ; dans celle de Neufchâteau (Vosges), c’est l’inverse, il est le gérant, elle est actionnaire : « c’est croisé », résume-t-il. Ce mercredi 11 octobre, oui, Arnaud Born reconnaît qu’il a « fait une bêtise ». Dont Gaëlle a filmé une petite partie avec son mobile. Dans une vidéo qu’elle envoie à une amie, on l’entend dire « non » et son agresseur répliquer qu’il « ne la lâchera pas ». Un médecin a constaté des ecchymoses digitiformes sur ses bras.
« Elle deviendra une très belle femme »
« Je ne suis pas resté au McDo’ car il y avait trop de monde ». Voilà pourquoi, le 11 octobre, le prévenu préfère emmener manger Gaëlle à son domicile d’Esnouveaux. « Elle était en conflit avec sa mère », il devait calmer le jeu. Chez lui, le repas n’est pas terminé qu’il la caresse et lui suggère de se changer. Oui, convient-il, son vêtement, trop serré, l’empêche d’accéder à ses seins. Tandis que l’ado s’exécute, il déplie le canapé. Que la présidente ne se méprenne toutefois pas, il considère Gaëlle « comme une adolescente ». Dont il prédit qu’elle deviendra « une très belle femme ». Oui encore, quand, juché sur elle, il lui demande de l’embrasser, elle « n’est pas consentante »
« Je savais que je tenterais quelque chose une fois chez moi »
« Non, je n’ai pas préparé ». Arnaud Born soutient s’être physiquement rapproché de Gaëlle au fil de l’eau. Pourtant, l’ado a déclaré aux gendarmes que, dès qu’ils sont en voiture, il lui fait un bisou et pose sa main sur sa cuisse. Un des « éléments de mise en scène » pointé par un assesseur. Il se trouve qu’aux enquêteurs, Arnaud Born a déclaré tout à la fois que « ça a(vait) mûri dans (sa) tête depuis lundi » et qu’ « une pulsion » l’aurait pris. Le représentant du ministère public Adélia Bras-Abarri fait répéter Arnaud Born : « un « non » a suffi pour que j’arrête ». Qu’il confronte à une autre de ses déclarations en garde-à-vue : « je savais que je tenterais quelque chose une fois chez moi… sans savoir quoi ». Mais quand il a voulu « allonger (Gaëlle) sur le ventre, ce n’était pas pour un rapport sexuel, c’était pour un câlin ». Non, sa vie affective « n’est pas trop satisfaisante ». Depuis une semaine, son couple vieux de 25 ans est brisé, il vit chez sa sœur « à cause de l’affaire ».
« C’est un démon »
« Arnaud Born et sa femme m’ont hurlé dessus ». À la barre où elle a été invitée à s’exprimer, la mère de Gaëlle veut « rétablir certaines choses ». Il y en a beaucoup. Dont, toujours le 11 octobre, le récit du couple d’Arnaud Born « débarquant » chez elle : sa fille est « un démon » qu’ « il faut faire exorciser ». Lui apprenant aussi que les gendarmes de Nogent la « cherchent » car elle « a subi des attouchements ». La mère demande ce qu’il s’est passé. Arnaud finit par convenir qu’il « l’a frôlée sur son t-shirt », avant de s’effondrer en larmes.
« Là pour satisfaire son désir »
« Le prévenu essaie de minimiser les faits. La « bêtise » qu’il reconnaît avoir commise est surtout celle de s’être fait prendre ». Défenseur des intérêts civils de Gaëlle et de ses parents, Me Roland Aïdan dénonce la « stratégie facile » du prévenu : ne se souvenir de rien, sinon que « ça a dérapé ». Au contraire, il évoque « un prédateur sexuel », qui a « repéré une proie dans son entourage le plus immédiat ». Non, poursuit le conseil, le hasard n’est pour rien dans les faits qui sont lui reprochés. Ni la grande « fragilité » de l’adolescente, ni le lien de subordination professionnelle de sa mère à son épouse ne lui ont échappé, insiste-t-il. « Qui peut croire qu’il n’a pas vu que (Gaëlle) était paralysée par la peur ? Comme un objet, elle est là pour satisfaire son désir ».
« Plus on avançait, plus je me croyais aux Assises »
« (Gaëlle) dira avoir été « violée du haut », c’est dire l’impact ». C’est ce que retient le procureur Bras-Abarri dans ses réquisitions. En soulignant qu’en la reconduisant chez elle, le prévenu lui avait demandé si « elle avait aimé ». Il n’y a ni altération, ni abolition de son discernement, et il y a un potentiel de récidive, selon une « expertise psychologique rapide ». Et de réclamer avec vigueur huit mois ferme notamment, avec mandat de dépôt. De quoi faire bondir Me Céline Gromek, qui assiste le prévenu. « Plus on avançait dans cette audience, plus je me disais qu’on était aux Assises… ». Ce n’est pas parce que les réquisitions ont été « hurlées » que le représentant du ministère public s’est approché de la vérité. Dans sa citation à comparaître, son client est renvoyé en correctionnelle pour « atteintes sexuelles » (et non « agression sexuelle », NDLR). Et de s’étonner de la « célérité » avec laquelle « pareil dossier » a été traité. « Ce n’est pas la peine (de venir), ont dit les gendarmes à Arnaud Born qui voulait aller les voir… avant, quelques heures plus tard, de l’interpeller en cow-boys à domicile ». Placé en garde-à-vue, les militaires « ont fait une fixette sur la préméditation ». Et de fustiger les termes de « prédateur sexuel » de son confrère Me Aïdan, qui « n’a pas dû en croiser beaucoup aux Assises ». Puis de dénoncer une expertise psychologique fumeuse, pourtant signée en vertu d’ « avis motivés ». Décidément, Me Gromek « ne peut pas passer sous silence ce qu’on a voulu faire de ce dossier ».
Non seulement le tribunal n’a pas entendu Me Gromek, mais il a alourdi la peine réclamée par le procureur. Arnaud Born a en effet été condamné à 36 mois de prison dont 18 mois ferme avec un sursis probatoire renforcé pendant deux ans et mandat de dépôt. Parmi les nombreuses autres peines prononcées, il a interdiction d’entrer en contact avec la victime et son entourage et il doit se soigner. Les intérêts civils feront l’objet d’une audience le 8 janvier 2024.
(*) prénom d’emprunt
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr