Romain Barnier : « Casser certains mécanismes »
Après la 18e édition du Meeting international de Saint-Dizier qui a servi de prise de repères à tout son groupe, Romain Barnier, le Manager du CN Marseille, revient sur la rentrée de Laure Manaudou.
Quel bilan général tirez- vous de cette première sortie ?
Romain Barnier : « On était venus chercher des repères. Sur le dos notamment, il y a eu des choses intéressantes. Sur le 50 m, par exemple, le temps est très satisfaisant. Il y a des belles choses à faire. Après, sur le 100 m, cela manquait d’engagement mais nerveusement, après une longue journée comme celle de samedi, c’était normal. »
Et techniquement, avez-vous déjà estimé la marge de progression, repéré des points à corriger ?
R. B. : « Laure peut nager très vite en dos. Après ce meeting, me voilà avec des idées beaucoup plus claires sur les directions de travail que nous allons prendre, notamment concernant l’utilisation de la rotation des bras, le positionnement de la tête, de l’entrée des mains à la coulée, l’approche des virages… J’ai découvert qu’elle avait une paire de jambes très intéressante Elle ne l’utilise pas vraiment en course. Elle a pas aussi mal d’a priori quant à comment aborder ses courses et sur ce qu’elle va ressentir. Il va falloir casser certains mécanismes. »
C’était aussi l’occasion d’apprendre à vous connaître, de vous découvrir en situation de compétition. Comment cela s’est-il passé ?
R. B. : « Cela se passe bien. J’ai essayé de voir comment elle réagit en cas de bonne perf, en cas de moins bonne. Il y avait beaucoup de pression et si on s’en sort bien, on en sort beaucoup plus fort. »
Avez-vous déjà reparlé de Pékin ?
R. B. : « Une discussion sur le passé, cela se fait quand il y a déjà une relation de confiance. Sinon, on ne se livre pas vraiment. »
En terme d’implication, com- ment Laure Manaudou se comporte-t-elle à l’entraînement ?
R. B. : «Elle est bien. On lui demande pas mal de nouvelles choses et elle joue le jeu, notamment au niveau de l’échauffement. En modifiant l’échauffement, on modifie les repères. Et ce n’est donc pas évident à gérer. Il y a des choses à changer pour réussir au plus haut niveau. C’est changer, avant et pendant la course, sa façon de penser. Ça prend du temps.»
Laure Manaudou parle d’envie. La sentez-vous réceptive ?
R. B. : «Sa situation n’est pas facile depuis 18 mois. Et puis, on ne sait pas comment elle va répondre physiologiquement, techniquement et mentalement. Pour sa prochaine échéance (les championnats de France en grand bain en avril, à Montpellier), c’est important qu’en montant sur le plot, elle soit convaincue qu’elle peut battre n’importe quelle nageuse française et se qualifier aux championnats du monde. Ça implique beaucoup de travail, de douleurs aux entraînements pour nager plus vite que dans le passé.»
Philippe Lucas a confié avoir discuté avec Laure. Avez-vous eu l’occasion de le rencontrer ?
R. B. : «Oui, on a discuté. C’est intéressant, pour établir une base de travail, de pouvoir discuter avec son ancien mentor, pouvoir apprendre plus vite. Elle ne serait pas ce qu’elle est sans lui. Il ne faut pas rompre ce lien. Je suis très heureux de les voir discuter, faire des retours sur des courses : il y a eu un retour sur le place- ment du crawl, elle m’en a parlé. Cela me tient à cœur qu’il y ait un passage de relais. On n’est pas propriétaires des nageurs, on est des accompagnateurs.»
Avez-vous le sentiment que la pression est moins forte sur ses épaules, aujourd’hui ?
R. B. : «Tant que le doute n’aura pas été dissipé sur la question de savoir si elle est capable ou pas… C’est une athlète qui a touché le très haut niveau. Elle ne peut pas se satisfaire de simplement se qualifier aux championnats du monde. Le poids s’envole quand les certitudes reviennent.»
Propos recueillis par Delphine Catalifaud