Rôles inversés – L’édito de Christophe Bonnefoy
Il ne faudrait pas inverser les rôles. Jusqu’à preuve du contraire – et personne, à part Poutine lui-même et quelques pouvoirs à sa botte, n’ose nier l’évidence -, c’est bien la Russie qui s’est lancée dans une vaste opération d’annexion de l’Ukraine. Alors entendre le maître du Kremlin dénoncer comme une attaque terroriste l’explosion qui a touché samedi le pont de Crimée (qui relie la Russie à la région annexée en 2014), c’est un peu comme si on reprochait à son voisin d’entrer dans une colère noire alors qu’on se serait approprié son terrain.
Le régime ukrainien n’est sûrement pas parfait. Et depuis février, Moscou comme Kiev sont sans doute dans une sorte de grand bluff permanent. C’est le jeu, si l’on peut dire, en temps de guerre. Il est bien connu qu’en période de conflit, les belligérants ne cessent de travestir la réalité, tant sur leur stratégie que sur la réalité de terrain. La vérité est pourtant on ne peut plus simple. Le constat est implacable. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, n’a jamais eu l’intention d’aller marcher sur le Kremlin. Vladimir Poutine, d’écraser Kiev, si.
Les dizaines de missiles qui se sont abattues ce lundi sur toute l’Ukraine ne sont en aucun cas un acte de défense de la part de la Russie. Mais participent d’une folie meurtrière qui pourrait mener au pire : l’utilisation de l’arme nucléaire. Jusqu’ici, Poutine n’a fait que menacer d’y avoir recours. Mais le pilonnement aveugle qui a semble-t-il visé, aussi, des populations civiles ces dernières heures constitue une nouvelle escalade dans le conflit. Et les réactions en chaîne qui pourraient en découler peuvent faire craindre que le sommet de l’horreur ne soit pas encore atteint.