Commentaires (0)
Vous devez être connecté à votre compte jhm pour pouvoir commenter cet article.

Rôle et fonctions de l’avocat – Roland Aïdan

«L’innocence est parfois difficile à prouver»

Le quotidien des avocats haut-marnais rompt avec une imagerie populaire nourrie par envolées lyriques et effets de manches. Techniciens du droit, les pies du Barreau de Haute-Marne examinent durant de longues heures des dossiers divers et variés avant de défendre les droits et versions de clients confrontés à divorce, poursuite ou préjudice.

 

Fernand Labori, Jeanne Chauvin, René Floriot, Henri Torrès, Robert Badinter, Gisèle Halimi, Georges Keijman, Jean-Marc Florand … Animés de progressistes et humanistes principes, ces hommes et ses femmes ont assuré la grandeur d’une profession. Intégration des minorités, légalisation de l’intervention volontaire de grossesse, abolition de la peine de mort : nul progrès social ne s’est engagé sans le concours militant d’avocats investis d’une mission républicaine. De l’assassin à l’innocent, tout être humain profite des droits de la défense. Camus, Kafka, Racine, Clouzot et Depardon ne purent résister à trouver en plaidoiries et effets de manches une vive inspiration.

Le quotidien de 28 avocats du Barreau de Haute-Marne tranche avec la superbe d’œuvres littéraires et cinématographiques. Les grands procès se font rares dans le département. Divorces, missions de conseil aux entreprises et petites affaires de délinquance occupent la majeure partie de l’emploi du temps des avocats haut-marnais. Il n’y a pas de petites affaires oserait-on dire. Un simple divorce peut ainsi avoir de lourdes conséquences financières, familiales ou psychologiques.

«Techniciens du droit»

«Se lever à la barre et commencer une belle plaidoirie représente une infime partie de notre travail, c’est la partie émergée de l’iceberg, souligne Roland Aïdan, bâtonnier du Barreau de Haute-Marne. L’essentiel du travail de l’avocat tient en des recherches effectuées dans son cabinet. Nous sommes avant tout des techniciens du droit. Nous examinons les dossiers, veillons à actualiser nos connaissances en matière de jurisprudence et multiplions les recherches afin de pouvoir relever d’éventuelles erreurs de procédure. Un cinémomètre peut, par exemple, ne pas avoir été vérifié par le service de la réglementation des poids et mesure.»

«Toute personne a droit à un défenseur»

L’éternelle incompréhension envers avocats de concubins violents, de pédophiles et autres dealers persiste dans une société toujours divisée quant à l’opportunité d’un hypothétique retour à la peine de mort. «Comment pouvez-vous défendre ce monstre qui a tué cet enfant ? La question revient régulièrement en fin de repas, souligne Roland Aïdan. On ne peut pas affirmer qu’une personne est un monstre, tout simplement parce que les erreurs judiciaires existent comme le prouve l’affaire d’Outreau. Si l’accusé est coupable, notre rôle est de présenter sa part d’innocence. Il est important que le tribunal sache pourquoi une personne a pu en arriver à commettre des choses horribles. Pour ma part, je m’interdis de refuser un client. J’estime que toute personne, quelque soit la gravité des accusations, a droit à un défenseur.»

«La vérité juridique prévaut»

Les avocats doivent également composer avec les versions parfois loufoques de leurs clients. Deux verres d’alcool généreraient ainsi un taux d’alcoolémie supérieur à deux grammes par litre de sang… «Normalement, notre déontologie nous empêche de mentir, mais tout est un problème de conscience, souligne Me Aïdan. L’avocat ne connaît pas la vérité d’un dossier, il connaît la version de son client et la vérité juridique prévaut. Des clients ont parfois une perception partielle de la réalité et peuvent dire de bonne foi qu’ils n’ont bu que deux verres. Une alcoolisation massive datant de la veille peut, par exemple, se rajouter à une faible consommation. On peut être également être ivre au volant et n’être en rien impliqué dans un accident. Etre franc avec son avocat est toutefois conseillé. Dépeindre une personne nous cachant une partie de la vérité présente des difficultés.»

Au cours de sa carrière, Roland Aïdan aura traité nombre d’affaires délicates. «L’innoncence est parfois difficile à prouver et on n’est jamais assez bon avocat pour soi-même», glisse l’avocat avant de se rappeler, en toute discrétion, aux mauvais souvenirs de «procéduriers de plus en plus rares.» La plaidoirie du bâtonnier s’achève. D’anecdote il n’y aura point. «Ma plus belle affaire, c’est la prochaine», conclut un avocat peu coutumier aux envolées lyriques chères à réalisateurs, écrivains et autres journalistes.

 

Injustice

Tout justiciable peut profiter des droits de la défense. Encore faut-il en avoir les moyens. Confrontés à d’évidentes difficultés financières, de nombreux justiciables choisissent de ne pas faire appel à un avocat. «Le jeu en vaut-il la chandelle ? Par définition, la justice étant rendue par des êtres humains, il impossible de prévoir une décision de justice. Un dossier peut être carré pour un avocat et ne pas l’être pour un magistrat», indique Me Aïdan. Diverses aides peuvent permettre à un citoyen de profiter d’aides publiques ou privées afin d’assurer sa défense (lire ci-dessous). «L’aide juridictionnelle et les protections juridiques existent. Ces deux systèmes permettent aux gens d’avoir recours à un avocat. La prise en charge des honoraires peut être partiellement ou totalement être prise en charge, indique l’avocat. Est-ce suffisant ? Je ne pense pas. Beaucoup de personnes ne font pas appel à un avocat par ce qu’elles pensent que ça coûte trop cher. Dans de nombreux cas, les honoraires sont à la charge du client et ces frais dissuadent de nombreuses personnes.» La charge financière est souvent élevée. Un simple divorce par consentement mutuel nécessitant deux brefs entretien et la rédaction de pièces basiques peut ainsi générer 2 000 euros de frais à la charge de – ex – mari et femme.

Confrontés aux situations complexes de certains clients, Me Aïdan et ses confrères privilégient l’aspect humain à l’intérêt financier. «Tous les avocats ont, dans une certaine mesure, modulé leurs honoraires une fois dans leur vie, souligne l’avocat. On ne peut pas demander les mêmes honoraires à une personne en difficulté qu’à une personne gagnant très bien sa vie.» Malgré les évidents intérêts de l’aide juridictionnelle et la dimension sociale de l’activité de certains avocats, une certaine injustice persiste. Au grand dam de défenseues devant composer entre intérêts financiers personnels et valeurs morales.

 

Quid de l’aide juridictionnelle ?

L’aide juridictionnelle permet aux personnes disposant de faibles revenus de bénéficier d’une prise en charge par l’État des honoraires et frais de justice. Présumés innocents et victimes peuvent ainsi profiter d’une aide totale ou d’une aide partielle. Pour disposer d’une prise en charge complète, la personne sollicitant une aide juridictionnelle doit afficher des ressources mensuelles inférieures à 929 euros. Le nombre de personnes à charge est également pris en compte (167 euros pour les deux premières et 106 pour les suivantes). L’aide juridictionnelle partielle est, quant à elle, plafonnée à un niveau de ressources de 1 393 euros. Un célibataire affichant 1 100 euros de revenus devra ainsi prendre en charge 60 % des honoraires. Les prestations familiales et certaines prestations sociales n’entrent pas dans le calcul des revenus. Par ailleurs, les victimes de graves infractions criminelles sont logiquement dispensées de conditions de ressources.

Un système de protection privé peut également profiter au client d’un avocat. Banques et assurances proposent ainsi à particuliers et professionnels des contrats de protection juridique.

 

Note : Les conditions d’attribution de l’aide juridictionnelle sont régulièrement actualisées.

Sur le même sujet...

Reconnu coupable d’agression sexuelle, il écope de 36 mois de prison dont 12 mois avec sursis
Abonné
Langres
Reconnu coupable d’agression sexuelle, il écope de 36 mois de prison dont 12 mois avec sursis
Tribunal correctionnel

Un homme de 38 ans a comparu détenu mardi 23 avril devant le tribunal judiciaire de Chaumont, pour agression sexuelle sur sa compagne dont il était une nième fois séparé(...)

Gifles à son épouse, avant de la poursuivre : « j'étais dans un tourbillon »
Abonné
Chaumont
Gifles à son épouse, avant de la poursuivre : « j’étais dans un tourbillon »
Tribunal correctionnel

Un quadragénaire a comparu devant le tribunal correctionnel pour violences conjugales, lundi 22 avril. Fini, le verbe, sa colère explosive s’était notamment traduite par des gifles à son épouse, le(...)

Violences aggravées sur sa mère : « je ne me croyais pas capable de faire ça »
Abonné
Valcourt
Violences aggravées sur sa mère : « je ne me croyais pas capable de faire ça »
Tribunal correctionnel

Une fille à laquelle des faits de violences aggravées sur sa mère sont reprochés. En récidive. À qui la justice a proposé un encadrement pour se libérer d’addictions délétères. À(...)