Rite de passage – L’édito de Patrice Chabanet
Cela fait belle lurette que le Salon de l’agriculture n’a pas pour seule vocation celle d’exposer le savoir-faire et le talent de nos paysans, la qualité et l’excellence des productions agricoles, la richesse et la réputation des cheptels tricolores. Depuis de longues années, il sert aussi de vitrine aux responsables politiques. C’est l’endroit où il faut savoir afficher sa présence, goûter jambons, fromages et vins, flatter la croupe des vaches ou prendre un agneau dans ses bras. Dans cet exercice, Jacques Chirac était passé maître. Il aimait les paysans et cela se voyait. Son appétit pantagruélique impressionnait et lui permettait de tenir la distance avec des visites d’une durée record. Sarkozy n’avait pas cette aisance. Hollande l’avait, mais sans égaler celle de son prédécesseur corrézien. Emmanuel Macron en est sans doute conscient. C’est aujourd’hui qu’il va subir son rite de passage. Il sera attendu, mais risque d’être moins entendu. Le monde agricole est rongé par l’impatience et une existence de plus en plus précaire, chez les éleveurs en particulier. Le président de la République a déjà anticipé, en recevant à l’Elysée un millier de jeunes agriculteurs. Mais il sait qu’il n’aura pas droit uniquement à des applaudissements et à des selfies sur son passage. Des huées sont probables…
Le « président des riches », le « Jupiter » saura-t-il atterrir sur le plancher des vaches ? Les Français, dans leur ensemble, en doutent. Ils sont 69% à le juger « plutôt » éloigné des préoccupations de la France rurale, selon un sondage Odoxa. Il peut se rassurer en voyant que les autres dirigeants politiques ne font guère mieux que lui. Laurent Wauquiez qui revendique la défense des « territoires » fait même pire : 15% des sondés seulement le considèrent comme proches des intérêts de la France rurale. Il n’empêche, c’est Emmanuel Macron et son gouvernement qui sont en charge du dossier agricole… et des colères paysannes. Une épreuve beaucoup plus longue qu’une déambulation dans les allées du Salon de l’agriculture.