Risques d’autoallumage – L’édito de Patrice Chabanet
Il en est des conflits sociaux comme des confrontations militaires : une trêve ne signifie pas la fin de la guerre. La levée de la majorité des points de blocage ici s’accompagne d’un durcissement ailleurs. La FNSEA et les Jeunes agriculteurs ont annoncé le siège de la région parisienne dès demain. Il ne pouvait pas en être autrement. Plus la contestation est ample, plus elle ratisse large et plus les divergences apparaissent. Certains leaders estiment que, au moins partiellement, satisfaction leur a été donnée. D’autres sont persuadés qu’il faut augmenter la pression pour obtenir davantage.
On ne comprendrait rien si l’on faisait abstraction des enjeux politiques. Pris à froid dès sa nomination, Gabriel Attal veut montrer qu’il est en train de reprendre la situation en main. Une stratégie vivement combattue par les oppositions. Ces dernières ont essuyé un revers cinglant avec la censure massive du projet de loi sur l’immigration. Pratiquement tous leurs amendements ont été rejetés. Le désir de revanche est évident, on peut l’admettre.
Pour les agriculteurs, le danger est d’être pris dans cette tourmente politique. En 1976, l’impôt sécheresse les avait exposés à la vindicte populaire, et cela pendant de nombreuses années. Cette fois-ci, ils sont soutenus massivement par la population. Un trésor qu’ils ne doivent pas se laisser subtiliser par des appétits partisans, qu’ils viennent de la gauche ou de la droite. Surtout, ils détiennent un atout capital : nourrir le pays. Ils ont donc toute leur place dans un débat essentiel : comment produire mieux et pas forcément plus cher.