La Clé : vers une dissolution après un règne sans partage ?
Marcel Roger a été le vice-président de l’association La Clé pendant presque vingt ans. Il réfute les arguments de la présidente Maguy Danner pour expliquer le risque de dissolution de l’entité. À la place, il croit bien plus aux effets délétères de l’exercice solitaire du pouvoir.
« À partir de 2002, j’ai assuré tout le travail ingrat de La Clé ». Marcel Roger se colle aux tâches administratives, dont les stratégiques demandes de subvention. Le professeur en français langue étrangère retraité a souhaité intégrer le cercle des formateurs bénévoles de l’association. « Des bouts de chemin » avec des personnes venues d’ailleurs, il en alignés quelques kilomètres dans sa carrière. « Maguy Danner m’a invité à venir voir un cours ». Sur place, la présidente lui désigne trois jeunes filles géorgiennes. « Automatiquement, c’est reparti ». Si Marcel Roger est bien dans son élément, il est surpris de très vite monter en grade au sein de La Clé. « Dès la première assemblée générale, je me suis retrouvé vice-président, sans rien demander ». Il accepte, et tant pis si la fonction lui gloutonne « beaucoup de temps », celle de formateur lui en prend encore davantage n’est-ce pas.
« Régime présidentiel »
« Aucun bénévole n’est jamais allé contre les objectifs de l’association ». Les groupes de niveaux de compétences d’apprenants, il en existait déjà quand il a intégré La Clé, notamment aux fins d’adapter les cours aux personnes analphabètes. L’équipe se fonde aussi sur « un référentiel de 5 pages ». Avec l’arrivée de réfugiés, dont des universitaires, « le public a évolué et il a fallu affiner ». De divergences de vue sur la manière d’aider les apprenants, Marcel Roger n’a pas mémoire. « Oui, des bénévoles sont partis, mais pas à la sauvette. C’était pour des raisons de santé… ou parce qu’ils étaient en désaccord avec le régime présidentiel en place ». À entendre l’ancien vice-président, Maguy Danner organise des simulacres de consultation. « La Clé, c’est son enfant ». Marcel Roger lui-même multiplie les propositions, et attend un retour… indéfiniment.
« Ça me peine de rappeler les faits »
« On n’a rien décidé en matière d’examens, c’est la législation qui a changé ». L’Etat conditionne l’obtention de la nationalité française à un niveau de pratique du français plus élevé, il faut répondre aux nouvelles exigences. D’autant que les formateurs revendiquent d’ « accueillir tout le monde ». Oui, un incident s’est alors produit. « Une apprenante a pleuré, en se demandant ce qu’elle allait faire désormais. J’ai alors été accusé de vouloir tuer l’association ». Marcel Roger marque une pause. « Ça me peine de rappeler tout ça. J’ai l’impression de dire du mal de Maguy ».
« Moment de flou inévitable »
« À la galette des rois 2019, j’ai dit qu’à 20 ans, il était naturel qu’un enfant se débrouille tout seul. C’était peut-être maladroit… ». Mais Marcel Roger, « d’ordinaire silencieux » a assez du règne sans partage de Maguy Danner. « Elle a toujours été la seule à avoir le pouvoir de signature », c’est l’illustration qu’elle seule décide, de tout, pour tout. À ses yeux, l’association court à sa perte. En septembre suivant, il la quitte. « Pourtant, je savais qu’il y aurait inévitablement un moment de flou ». Marcel Roger sait le travail de l’ombre qu’il abat depuis dix-huit ans. Sa décision est toutefois irréversible. Il confie tous les codes d’accès aux portails institutionnels et toutes les demandes de subventions à un bénévole. « Celui-ci a écrit à Maguy pour prendre la relève. Je savais qu’elle ne retiendrait pas sa proposition… ». Certes, la présidente entame une longue quête pour assurer la pérennité de La Clé, mais les noms qui pointent pour reprendre les rênes « disparaissent les uns après les autres ». À faire douter de sa volonté de passer le relais. « C’est dommage que l’histoire de La Clé se finisse ainsi… ». Pour sa part, Marcel Roger conserve le souvenir de son long engagement auprès des apprenants bien au chaud.
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr