Revoilà Maria !
Deux ans après avoir décroché son premier Roland-Garros, Maria Sharapova
s’est offert le doublé, hier, au terme d’une finale à couper le souffle
contre Simona Halep (6/4, 6/7, 6/4), désormais N°3 mondiale,
et qui n’en finit pas d’épater.
Ses jambes se sont dérobées et elle s’est effondrée sur le court. La pression, la tension, tout s’est évanoui d’un coup, en même temps que l’énième défense de la Roumaine Simona Halep s’échappait hors des limites du terrain. Après 3 h 02 de bataille féroce, de breaks et de débreaks, de points de cogneuses, campées derrière leur ligne de fond de court, le Central a salué sa nouvelle championne 2014.
Maria Sharapova aura beau avoir vécu un parcours semé d’embûches cette année à Paris, souvent chahutée mais jamais terrassée, elle est allée conquérir son trophée à Roland-Garros. Le deuxième de sa carrière après 2012. Le plus beau sans doute, tant il a été acquis dans la douleur la plus totale (6/4, 6/7, 6/4). « C’est ma victoire la plus émouvante et aussi la plus solide physiquement, a-t-elle reconnu. Plus je vieillis et plus j’apprécie de vivre ce genre de moments. Si on m’avait dit que, dix ans après mon premier Grand Chelem, à Wimbledon, je serais assise là, devant vous, avec un deuxième Roland-Garros, je n’y aurais pas cru ! »
N°1 mondiale à 18 ans
Sharapova, on aime ou on n’aime pas. C’est vrai qu’elle agace, avec ses cris stridents qui vous crispent les oreilles, ce petit recueillement avant chaque point, son côté précieux de poupée et ses interminables secondes pour servir. C’est vrai qu’elle agace, parfois. Mais Sharapova, c’est plus fort que tout ça.
Au-delà des apparences, de son allure de top modèle (1,88 m pour 59 kg) et de ses manies de petite fille, la Russe est une championne, une pro de chez pro. De celles qui n’ont jamais abdiqué au cours d’une carrière professionnelle loin d’être rectiligne, commencée dès l’âge de 14 ans, d’une trajectoire détournée maintes fois par de graves blessures à l’épaule qu’il a fallu réparer. Après 2008, Wimbledon (2004), l’US Open (2006) et l’Open d’Australie (2008) en poche, personne ne lui donnait plus guère de crédit. La Russe a bossé, patiente et animée d’un mental d’acier. Quatre ans plus tard, elle revenait sur le devant de la scène. N°1 mondiale comme à ses 18 ans et avec un Roland-Garros qui venait compléter sa collection de titres en Grands Chelems. Il ne manquait plus que Paris pour boucler la boucle.
Son ambition aurait pu s’arrêter là, en ayant tout gagné et plus rien à prouver. Mais à 27 ans, Maria Sharapova a montré hier qu’elle avait toujours faim comme jamais. «Gagner Roland-Garros, c’était un rêve de petite fille, a-t-elle déclaré. Le gagner deux fois, c’est incroyable. Je suis très fière de ce que j’ai fait !»
Elle s’en est certes sortie par un trou de souris, mais c’est aussi la faute de Simona Halep. La Roumaine, qui disputait sa première finale de Grand Chelem, n’a jamais baissé les armes, jamais offert le moindre point facile. En se battant comme une lionne, en ramenant inlassablement chaque missile longue portée de Sharapova, elle s’est mis le public du Court central dans la poche. Les breaks et débreaks incessants donnèrent un piment supplémentaire au spectacle et le combat mental se mêla à la bataille physique.
Sharapova craque au tie-break
Sharapova avait beau avoir tourné en deuxième manche avec la première en sa faveur (6/4) sur un énième break, Halep répondait toujours à l’intensité russe avec le même aplomb et la même force mentale. La Roumaine, meilleure progression WTA 2013 et future N°3 mondiale après la quinzaine, payait cash ses occasions gâchées au moment de concrétiser son ascendant, comme dans cette deuxième manche où elle perdit à deux reprises son jeu de service pour le gain du set (5/4, puis 6/5).
Finalement jamais aussi à l’aise que pour défendre sa peau, Halep venait coiffer Sharapova sur le fil, au terme d’un tie-break à hauts risques. A deux points du match, la Russe tremblait et s’en retournait, tracassée, vers une troisième manche qui sen- tait le piège à plein nez (6/7 (5)). Cette intenable guerre des nerfs se poursuivait pour le plus grand bonheur d’un public conquis par le suspense.
Dans un nouveau chassé-croisé qui consistait à reprendre à l’adversaire le jeu de service piqué le coup d’avant, Sharapova finissait par se poster en patronne. Simona Halep avait une nouvelle fois laissé filer sa chance, après être revenue à 4-4. La Russe, break à confirmer dans la raquette, portait le coup de grâce par un ultime jeu blanc (6/4). Et bouclait la belle histoire de la journée. L’une des plus jolies de sa carrière, aussi, de par l’intensité dramatique générée par le scénario.
Delphine Catalifaud (à Roland-Garros)