Réussir son coup – L’édito de Patrice Chabanet
Le gouvernement et les syndicats ont au moins un objectif commun dans le dossier SNCF : réussir leur coup, le premier en imposant sa réforme, les seconds en la faisant sortir des rails. A chacun sa méthode : l’exécutif se refuse à se laisser engluer dans d’interminables palabres tandis que les syndicats entendent mobiliser leurs forces face à ce qu’ils considèrent comme un coup de force. Mais, entre les intentions et le passage à l’acte, demeure toujours une zone d’incertitude. On l’a vu hier soir avec la réunion des organisations syndicales. Elles ont décidé… d’attendre le 15 mars avant de se prononcer sur une éventuelle grève. Les militaires parleraient de riposte graduée après l’intervention du Premier ministre. Officiellement, tout dépendra des premières réunions de concertation. Dans les faits, les syndicats ne sont pas sur la même longueur d’ondes : la CGT est vent debout contre le projet gouvernemental et d’autres, comme la CFDT, ne veulent pas brûler tous leurs vaisseaux. La porte n’est donc pas tout à fait fermée à un embryon de négociations, même si le mot est proscrit à l’Elysée et à Matignon où on lui préfère le terme de consultation, plus restrictif.
Du côté du pouvoir, les quinze jours à venir seront mis à profit pour desserrer l’étau de la menace d’un long conflit. La méthode des rencontres individualisées avec les syndicats sera certainement utilisée une nouvelle fois pour affaiblir la constitution d’un front commun. Pour autant, la prudence affichée par les organisations de salariés de la SNCF est à double sens. Elle peut être interprétée comme un signe de faiblesse mais, aussi, comme la volonté de bien préparer un mouvement de grande ampleur. Et de convaincre l’opinion publique : plus de deux Français sur trois sont favorables à la suppression du statut des cheminots. Le gouvernement le sait et jouera cette carte. Ce n’est forcément un atout. Les syndicats, bousculés dans la réforme du code du Travail, voudront leur revanche. C’est l’enjeu de la première quinzaine de mars. Bien malin qui peut en prévoir l’issue.