Retraites : les agriculteurs, aussi sur le champ de bataille ?
SOCIAL. Alors que l’intersyndicale poursuit son action contre le gouvernement, les syndicats agricoles semblent plus en retrait. S’ils ne sont pas foncièrement favorables à la réforme des retraites, ils doivent jongler avec d’autres problématiques. Difficile donc, de faire front commun.
Quand les rues bragardes se gorgent de manifestants remontés contre la réforme des retraites, ils sont plus discrets. Les agriculteurs restent toutefois une part non-négligeable de la population active française, et haut-marnaise. Autour de Saint-Dizier, les principaux syndicats agricoles sont bien implantés, et portent des revendications. Pourtant, ils ont encore du mal à se rallier au mouvement lancé par l’intersyndicale.
« C’est vrai que nous n’avons pas vraiment débattu de la réforme des retraites, parce que c’est un problème parmi d’autres pour nous », reconnait Mickael Masselot, trésorier de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) en Haute-Marne. Thomas Millot, des Jeunes agriculteurs, prend davantage position : « l’augmentation de l’âge de départ à la retraite, ce n’est pas bien pour nous (même si) prendre en compte les 25 meilleures années de salaire pour le calcul des retraites, on trouve ça positif ».
Encore et toujours, la pénibilité
Du côté de la Confédération paysanne, dont quelques drapeaux s’affichent lors des manifestations à Saint-Dizier, l’opposition à la réforme se veut un peu plus frontale. « Nous manifestons, et appelons à manifester, mais participer à l’intersyndicale, ce n’était pas notre rôle… On est quand même plus des patrons », explique Thierry Remy, membre du bureau départemental de la Conf’.
Entre les trois syndicats, la vision diffère. Compliqué donc, d’appeler à une union à l’échelle haut-marnaise. Pourtant, chacun soulève des problématiques transversales au monde agricole. En premier lieu, la pénibilité. « Notre travail s’est mécanisé, il est moins usant, mais cette pénibilité reste beaucoup plus marquée en élevage », estime Mickael Masselot, céréalier à Dommartin-le-Franc.
Thierry Remy est justement éleveur laitier, à la tête d’un cheptel d’une centaine de vaches à Magneux : « Je travaille presque 9 h par jour, sept jours sur sept ». Pour l’heure salarié d’une exploitation agricole non loin du lac du Der, Thomas Millot admet que « c’est certes plus confortable que pour nos anciens, mais nous avons davantage de pression administrative ».
La transmission avant la retraite
La question de la transmission des exploitations, d’une certaine manière liée aux retraites, est aussi sur toutes les lèvres. « Repousser l’âge de départ, c’est aussi repousser la transmission », s’exaspère Thomas Millot, ajoutant que « de toute manière, la retraite, je pense que nous n’en aurons pas, ou alors elle sera infime et mal revalorisée ».
« Celui qui installe quelqu’un pour reprendre son exploitation devrait pouvoir partir plus tôt, ou travailler à mi-temps en touchant sa retraite. Or c’est impossible aujourd’hui, et la réforme ne va pas dans ce sens… », souffle Thierry Remy. « Les capitaux demandés sont de plus en plus élevés, et les banquiers de plus en plus frileux. Pour un jeune pas épaulé, c’est compliqué », appuie Mickael Masselot.
Il y a environ 2 000 agriculteurs en Haute-Marne, et presque 400 000 en France selon l’Insee. Tous, ou presque, sont concernés par la réforme des retraites et constitueraient une force de frappe non-négligeable pour un mouvement social. Mais pour l’heure, aucune discussion n’est prévue avec l’intersyndicale.
Dorian Lacour