Rentabilité coupable – L’édito de Patrice Chabanet
Les Grecs ne veulent pas croire à la fatalité. La catastrophe ferroviaire qui vient d’endeuiller leur pays était inéluctable. Aujourd’hui, les langues se délient. Délabrement du réseau et signalisation défaillante, tout était là pour provoquer l’accident et la mort de 57 personnes, essentiellement des jeunes. L’arrestation du chef de gare n’a fait qu’attiser la colère du peuple hellène. Il n’est que le lampiste d’une tragédie qui a vite pris l’ampleur d’un scandale national. Le gouvernement a dû faire son mea culpa. Trop tard.
Les responsabilités sont beaucoup plus larges et profondes. Elles procèdent d’une gouvernance économique qui privilégie la rentabilité à tout prix. Visiblement, le groupe italien qui a repris la société grecque n’a rien fait pour moderniser des installations à bout de souffle. D’où le procès fait à la privatisation. La Grèce revit ce qu’a vécu la Grande-Bretagne de Margaret Thatcher il y a une trentaine d’années. Le maître-mot était alors libéralisation sous l’impulsion, il faut le dire, d’une Union européenne obsédée par l’efficacité du service rendu à moindre coût pour les consommateurs. Résultat : plusieurs déraillements et une kyrielle de dysfonctionnements.
La réponse ne pourra venir que d’une volonté politique. La sécurité doit devenir ou redevenir la priorité des priorités. C’est la leçon qu’il faut tirer de la catastrophe grecque. Cela permet d’éliminer – aussi – les risques de négligences ou d’entourloupes, des dérives qu’on observe quel que soit le régime politique en place. La Turquie voisine nous en a donné un tragique exemple. Les immeubles qui se sont littéralement aplatis ne respectaient pas les normes de sécurité. Le prix à payer a été terrible.
Patrice Chabanet