René Migeot, résistant langrois : une histoire profondément humaine
Pour sa première conférence en lien avec l’exposition “Jean Moulin” et les 80 ans du CNR, le Mémorial de Colombey a choisi d’inviter l’historien et journaliste Lionel Fontaine. Ce lundi 2 octobre, l’auteur a notamment retracé le parcours d’un FTP langrois, René Migeot.
La prochaine conférence au Mémorial portera sur Jean Moulin et sera animée par Christian Ferrier (président du cercle d’études Charles-de-Gaulle), le 8 novembre, à 18 h 30.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, Lionel Fontaine, qui vient de sortir un ouvrage sur les Francs-tireurs et partisans (FTP)*, a cité une phrase d’un autre Langrois, Denis Diderot : « Dire que l’homme est un composé de force et de faiblesse, de lumière et d’aveuglement, de petitesse et de grandeur, ce n’est pas lui faire son procès, c’est le définir ». Autant de nuances qui ont guidé son exploration des archives désormais accessibles des services répressifs (police de sûreté et police judiciaire). Car le parcours du jeune cheminot langrois René Migeot, depuis le dépôt SNCF de Chalindrey jusqu’à son arrestation, est teinté d’une incroyable détermination, mais aussi d’un découragement bien humain quand il voit disparaître, en quelques mois seulement, tous ses proches. Son père ne reviendra pas d’Auschwitz, son frère périra à Dachau. Seules son amie Alice, déportée à Ravensbrück, et sa mère, internée psychiatrique, survivront.
De Reims à Dijon
Avant d’être exécuté en 1944, à l’âge de 25 ans, le jeune cheminot aura lutté. D’abord en tant que secrétaire du groupe des Jeunesses communistes, dès 1938. Incorporé à Mulhouse puis fait prisonnier en 1940, il est ensuite libéré comme cheminot mais déjà étroitement surveillé par la police française. En 1941, il distribue des tracts à Langres, principalement des revendications salariales. Mais coup de tonnerre en juin 1941, quand Hitler rompt le pacte germano-soviétique et envahit l’URSS. Les Allemands procèdent alors à de nombreuses arrestations parmi les communistes et sympathisants haut-marnais identifiés par la police française. « On comptait environ 700 militants en Haute-Marne, c’est un nombre assez conséquent. En comparaison, ils étaient 2 000 en Moselle, qui est un département plus peuplé », a précisé l’historien. Recherché pour distribution de tracts par la police, Migeot se réfugie à Saint-Dizier puis à Reims, où il rencontre sa compagne Alice, également militante. Pendant un an, ils impriment des tracts dans un atelier clandestin. Une durée exceptionnelle car le SRPJ de Reims est redoutable. Puis viennent les ennuis : Alice est arrêtée, la mère de René est internée, lui-même se fait attraper mais prend la fuite. On retrouve sa trace à Dijon, où il se fait encore prendre pour vol de vélo : il est contraint de se défendre en blessant un inspecteur. En mars 1943, c’est le moment de découragement sa famille le supplie de rester auprès d’elle. Après ce qu’il nommera lui-même « un instant de faiblesse », il continuera pourtant le combat en écrivant à sa hiérarchie. Muté à Bordeaux, où la répression est très dure, « il se transforme en véritable FTP, est impliqué dans le déraillement d’un train et dans l’exécution d’un militant du PPF, un mouvement collaborationniste fondé par un ancien communiste ». Il est arrêté le 19 septembre 1943. En brossant le parcours d’autres FTP, en évoquant aussi les méthodes particulièrement musclées de la police, Lionel Fontaine a offert à son auditoire un récit très instructif. Les FTP étaient confrontés à une double tenaille, celle de la police française et de la police allemande, dans une zone dangereuse, au carrefour entre Nancy, Reims et Dijon.
De notre correspondante Aurélie Chenot
*Le dernier ouvrage de Lionel Fontaine, journaliste au jhm, est le fruit d’une enquête au long cours sur les traces des Francs-Tireurs et partisans (FTP) de l’interrégion 21, qui couvrait sept départements dont la Haute-Marne. “Des Hommes, Les FTP en Haute-Marne et dans l’est de la France, 1942-1944”, Editions Liralest/Le Pythagore.