Rencontre avec un ancien appelé en Algérie
Mémoire. Michel Bouvier est un des derniers (il en reste deux) habitants de Damrémont à avoir participé au conflit algérien (1954-1962).
Michel est né le 2 avril 1934 dans le village où il réside toujours. Avant d’être appelé pour cette guerre, il œuvrait dans l’agriculture avec ses parents ; comme il le précise : « une petite culture de misère ! ».
Appelé en mai 1958, Michel fait ses classes à Trèves (en Allemagne) durant quatre mois puis direction Saumur, dans l’arme blindée cavalerie, au 1er régiment de dragons. Cette unité assurait l’instruction des Elèves officiers de réserve (EOR) et ce durant dix mois.
Enfin, c’est le départ pour l’Algérie pour quinze mois, « comme un troupeau. D’ailleurs nous avons pris un bateau surnommé « le moutonnier » à Marseille pour Alger puis direction la rivière du Chélif (ou chéliff), située entre Relizane et Oued Rhiou ».
« Température de 42°C »
Là, Michel Bouvier est conducteur d’un half-track, un semi-chenillé de fabrication américaine muni de deux mitrailleuses, une de calibre 30 (7,62 mm) et une de 50 (12.7 mm), qu’il n’a jamais utilisé pour tuer.
Michel est également attaché aux transmissions pour faire des opérations ; celles-ci axées sur l’action de « bouclage », c’est-à-dire encercler des troupes rebelles et l’autre pour la réparation des lignes téléphoniques (ce qui arrivait fréquemment), ou encore faire des escortes le long des voies ferrées pour les sécuriser.
Il n’est jamais intervenu dans un combat et à la question : comment se passaient les relations avec les habitants ? la réponse est claire : « très bien, nous nous entendions bien avec eux ». « Les journées se déroulaient ainsi : un brin de toilette, un petit déjeuner frugal, des opérations et après un repas léger également, la sieste obligatoire jusqu’à 16 h ». Comme Michel le précise, « nous étions logés dans des sortes de cabanes, un peu plus hautes que la taille d’un humain, sous des tôles donc une température de 42°C et couchés sur des paillasses, où la chaleur était telle que nous pouvions voir l’empreinte de nos corps sur celles-ci ».
« Une honte »
Et qu’a-t-il retenu ? « C’est la méfiance de nos supérieurs vis-à-vis de nous, je n’ai pas compris, d’ailleurs, dès l’aller, lorsque nous arrivions dans une gare, des gendarmes surveillaient pour qu’il n’y ait pas de fugitif ; il est vrai que certains refusaient de partir.». Aujourd’hui, le souvenir de Michel est tout aussi précis : « Je ne comprends pas la guerre au siècle où nous vivons, c’est une honte et ce n’est pas normal, il n’y a plus de respect de rien, ni des hommes, ni des valeurs citoyennes ».
Michel Bouvier fait partie de l’association des anciens combattants de Varennes-sur-Amance, et il honore chaque cérémonie patriotique de sa présence en déposant la gerbe en souvenirs des disparus.
De notre correspondante Marie-Agnès Fontaine