Remparts : les deux brigadiers du patrimoine ont manié près de 80 tonnes de pierres
La brigade du patrimoine achève la phase 4 de la rénovation des remparts. Aperçu du travail réalisé par les deux agents qui la composent : le chiffrage du chantier complète leurs témoignages. Éclairant.
« C’est un travail rude. A deux, on manie à la main pas loin de 80 tonnes de pierres ». Xavier Robin et Jean-Charles Huot forment la brigade du patrimoine de la Ville. C’est à ce duo, dirigé par le premier, que l’on doit la réalisation de la phase 4 de la rénovation des remparts. Le directeur du centre technique municipal (CTM) Frédéric Raillard glisse qu’ « une pierre de Langres pèse 80 kg…. » Le binôme Xavier-Jean-Charles ne gémit pas : sa « conscience du patrimoine » lui donne tout le cœur voulu pour assurer cet ouvrage. Après avoir découvert les noms de leurs prédécesseurs gravés avec la date de 1902, ils ont gravé les leurs, accolés à 2022. Avant que leurs successeurs les imitent… car il y en aura, Xavier et Jean-Charles en sont convaincus. « Vu la camelote qu’on met, ce chantier durera plus de cent ans… ». Le nombre de pierres qu’il a changées, Xavier l’a calculé : « environ 5 000, en 17 ans », il appartient à la brigade du patrimoine depuis sa création. « Ce ne sera jamais fini… C’est phénoménal ». En écho, Jean-Charles Huot, qui a rejoint le chef de la brigade du patrimoine il y a un an, souligne qu’ « il y a parfois des surprises… ». Ainsi, « on croit qu’une ou deux pierres seront à changer… et, en réalité, ce sera quinze ou vingt… ».
Des (grosses) tranches de « 180m2 par an »
« La brigade du patrimoine est née en 1999, en concertation avec la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) -ce sont en effet des emplois subventionnés », pose Frédéric Raillard. Qui souligne que ses agents « travaillent sur le patrimoine classé ». Tailleurs de pierre, oui, mais spécialement formés à exercer leur art sur des monuments historiques. Le recrutement d’un troisième agent est en cours. « La brigade se consacre à plus de 80% à la rénovation pure des remparts, entre la tour Navarre et la porte des Terreaux ». Une entreprise commencée fin 2018. Par (grosse) tranche de « 180m2 par an ». Les brigadiers « interviennent sur les parements après qu’un diagnostic a été établi au pied des remparts il y a quelques années ». En théorie, ils doivent remplacer les moellons fissurés ; dans la réalité, un moellon abîmé implique le remplacement de plusieurs autour. « Une phase dure un an. C’est la quatrième qui se termine actuellement ». Logique, la Ville a évalué que sa brigade « en avait pour 20 ans ». Dans un premier temps, elle procède au démontage des pierres, puis au re-taillage des moellons, qui sont tous répertoriés sur un plan. « Voilà plusieurs années qu’on n’achète plus de pierres de carrière ». Il y a six ans, poursuite Frédéric Raillard, le chef de la brigade avait dressé un inventaire de pierres de Langres. « On les faisait alors couper par un prestataire ». Ce temps est révolu : « aujourd’hui, on les coupe nous-mêmes, puis on les taille – plutôt à la saison hivernale, avant leur pose en été, et leur nettoyage au karcher – pour la mousse ».
Chantier titanesque
« Une semaine est nécessaire à l’installation de l’échafaudage ». C’est qu’il a un sacré empâtement, explique Frédéric Raillard : 180m2 de surface pour intervenir sur environ 200m2 de rempart. « Initialement pour changer une centaine de moellons… alors qu’on en a changé 403 sur cette phase -on est dans la moyenne ». L’équivalent de 7 m3 de pierre de Langres, traduit le responsable du CTM. À ce rythme, « il faudra qu’on en achète ». Au total, souligne-t-il, 17 tonnes de roche ont été remises sur les remparts, 52 sacs de chaux de 30 kg : un ouvrage qui a nécessité sur cette dernière zone rénovée 2 250 heures de travail de la brigade du patrimoine. La scie à débiter que la Ville avait acquise il y a 5 ans « a tourné plus de 100 heures ». La facture s’établit en intégrant la valorisation du matériel que la Ville possède -sans quoi il aurait fallu le louer – la pierre de Langres qu’elle a en stock -qu’il aurait sinon fallu acheter. Pour cette phase par exemple, ce dernier poste de dépense égale 6 000 € HT. Le plus important reste celui des moyens humains : 85 000 € sur cette phase 4. En revanche sans compter le camion et la voiture municipaux mis à disposition ou bien la disqueuse, le coût total de sa réalisation est de 150 000 €, dont 50 000 € d’amortissement de matériel. « Maintenant, on est donc reparti sur la suivante, avec le renfort d’un troisième brigadier par conséquent ».
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr