Rémi Camus : « comprendre son corps est essentiel » pendant la canicule
Aventurier, explorateur, formateur en survie, Rémi Camus, qui était de passage à Saint-Dizier en mars 2022 pour une conférence, nous explique comment fonctionne le corps humain en période de canicule et comment se prémunir des fortes chaleurs.
JHM-Quotidien : Dans quelles circonstances avez-vous été confronté à des chaleurs extrêmes ?
Rémi Camus : Je l’ai vécu en 2011, lors de ma première aventure lorsque j’ai traversé l’Australie en courant. C’est là que j’ai découvert les très fortes chaleurs jusqu’à 50 degrés la journée avec une route brûlante. En Australie, il y a différents climats (…) J’ai fait ma traversée du sud au nord, de Melbourne à Darwin. Et j’ai bien fait de la faire dans ce sens-là. Ainsi, mon corps a pu peu à peu s’acclimater car j’ai fini ma traversée dans le désert. Dans l’autre sens, ça aurait été beaucoup plus compliqué. C’est donc très important que les gens comprennent qu’il faut s’acclimater et qu’il faut se préparer avant d’attaquer les fortes chaleurs. J’ai appris à gérer cette température car notre organisme est très bien fait mais il faut lui donner le temps de l’acclimatation.
JHM-Quotidien : Bien comprendre comment le corps fonctionne, ça veut dire quoi ?
R. C. : Le corps fonctionne avec quatre types de régulation thermique. La radiation, c’est le soleil, c’est valable pour emmagasiner de la chaleur comme pour pouvoir se refroidir. Ensuite, on a les échanges avec le vent, c’est la ventilation pour gagner de la température ou en perdre. Puis, on a l’évaporation. Ensuite, la dernière chose c’est la conduction. Quand on arrive à combiner ces quatre éléments, on comprend quels sont les effets et ce qu’on arrive à obtenir : gagner des degrés quand on a trop froid et en perdre quand on a trop chaud.
JHM-Quotidien : Une fois que l’on sait ça, que fait-on ?
R. C. : Ça paraît anodin mais pour perdre des degrés, il faut s’abriter du soleil, c’est la radiation. Les gens le font naturellement sans forcément penser à quoi ça correspond. La ventilation, on en parle de plus en plus avec la température réelle et la température ressentie. Le corps humain réagit exactement comme ça. Quand on a trop chaud, le fait de recréer des courants d’air, ça nous permet de nous refroidir. Les berbères le faisaient très bien. Ils avaient des grosses tours en pierre légèrement ouvertes en haut. Quand le vent rentrait, il s’engouffrait dans les tours et ensuite ça faisait des courants d’air à l’intérieur des petites rues, ce qui permettait de les rafraîchir. Puis, l’évaporation. Il faut savoir que l’eau est sept fois plus conductrice que l’air. On aura donc accès à une température plus en s’exposant à de l’humidité que si on expose uniquement au vent. S’humidifier régulièrement permet de faire baisser la température. Et enfin le dernier, la conduction, c’est le fait de récupérer le frais d’une matière qui est plus imposante. Exemple : si on a très chaud et qu’on s’allonge sur le sol de chez soi, sur du carrelage, on récupère le frais, c’est un transfert d’énergie. Ce sont les quatre principes de la régulation thermique sur le corps humain. Ensuite, il faut aussi comprendre que les hommes et les femmes ne régulent pas pareil. On entend souvent les hommes dire qu’ils ont chaud et les femmes dire qu’elles ont froid notamment aux extrémités. Ça s’explique. Le corps de la femme porte l’enfant et donc vous, mesdames, vous avez un déplacement du sang qui converge vers le ventre. On ne réagit donc pas de la même manière aux éléments. Le corps humain échange avec l’extérieur. La tête compte à hauteur de 20 % des échanges. Le fait de garder au chaud sa tête l’hiver ou au froid quand il fait très chaud, on arrive plus facilement à réguler sa température. Prendre un turban et l’humidifier, pour un peu qu’il y ait un peu de vent, on en voit rapidement les effets.
JHM-Quotidien : Alors quels conseils pratiques ?
R. C. : Tout le monde le dit. Il faut éviter de sortir pendant les heures les plus chaudes. Ensuite, il faut s’hydrater : boire de l’eau par petites gorgées très régulièrement c’est beaucoup plus efficace que de boire beaucoup en une seule fois car le corps ne va pas réguler trop d’eau en même temps et elle partira directement dans les urines. Il ne sert à rien non plus de boire de l’eau glacée même si c’est agréable. L’organisme, lui, va subir une nouvelle perturbation. Il va devoir fournir de l’énergie pour faire chauffer l’eau pour qu’elle soit acceptée dans l’organisme.
Créer une climatisation naturelle
On le fait souvent car c’est l’été : se promener en short ou même torse-nu pour les hommes. C’est exactement ce qu’il ne faut pas faire. Il faut avoir des vêtements très légers et très amples, ce qui permet de garder une humidité et donc de créer une climatisation naturelle. Enlever des épaisseurs, il faut le faire mais il faut porter des choses légères. Si on transpire et que tout s’évapore car on ne porte rien, ça n’est pas l’idéal.
Propos receuillis par Céline Clément
Et au niveau de l’alimentation ?
R. C. : Pour pouvoir digérer le corps humain a besoin d’eau. Si on lui donne une alimentation riche, il va devoir intégrer beaucoup d’eau… En période de canicule, il n’est pas conseiller de manger des plats trop riches. Manger des fruits et légumes que l’organisme va pouvoir digérer plus rapidement et facilement, sans contrainte, est le chemin à suivre.
Un truc rigolo à faire : quand l’organisme n’a pas à disposition assez d’eau, il faut lui faire croire qu’on va aller s’hydrater. On prend une petite pièce que l’on nettoie bien et on la met sur la langue ou un petit caillou. L’organisme va sécréter de la salive. C’est une fausse information qu’on lui délivre mais ça nous permet de gagner 10 à 15 minutes. Soyons attentif aux premiers signes de la déshydratation que sont la bouche pâteuse et rapidement mal à la tête. Tout le monde a déjà connu ça. Après vont arriver les douleurs articulaires, un rythme cardiaque qui va commencer à monter (…) J’ai connu ça durant ma traversée du désert où j’ai été sans eau durant quatre jours. C’est très particulier cette sensation, j’ai bu mon urine pour ne pas mourir dans le désert.
Et votre actu ?
Je prépare la traversée de la méditerranée de Calvi à Monaco à la nage sans assistance et en totale autonomie pour parler de la pollution de la mer méditerranée mais aussi sur une partie plus scientifique, comprendre comment fonctionne l’organisme pour faire face au stress en milieu hostile, et là, on travaille sur ce point avec le CHU de Grenoble. Donc, là, je nage en rivière pour m’entrainer.
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