Règlements de comptes électoraux à OK Langres
DRÔLES D’HISTOIRES (2). Langres, cité plus de deux fois millénaire, fourmille, au fil des siècles de sa légende, d’Histoire… et d’histoires. Où les faits les plus étonnants côtoient les plus graves… comme les plus drôlatiques. Aujourd’hui, l’élection la plus mouvementée qui ne se soit jamais tenue à Langres.
La vie politique langroise n’a jamais été un long fleuve tranquille. Mais si les conflits de ces vingt dernières années n’ont manqué ni de sel ni rebondissements, ils sont très loin d’avoir connu l’intensité de l’élection législative de 1842 (où les coups tordus se sont sans cesse succédé à ceux d’éclat).
Auteur d’une synthèse sur le sujet, dans le numéro 425 du Bulletin de la Société historique et archéologique de Langres, Pierre Gariot situe la genèse des tensions à la précédente législative, en 1839, qui voit, à la surprise générale, Antoine Pauwels battre le favori Nicolas Bardonnaut. Respectant le verdict des urnes, le maire Jean-Baptiste Aubert tente de travailler en bonne intelligence avec le nouveau député.
Las, Pauwels n’est pas très réactif, semblant davantage préoccupé par les dispositions législatives favorisant ses affaires industrielles… La tension politique est à son paroxysme lorsque, le 13 juin 1842, le roi Louis-Philippe dissout la Chambre des députés, entraînant des législatives anticipées le 11 juillet.
Un sous-préfet corrompu
Pauwels se représente, face à trois concurrents (Eugène Caroillon de Vandeul, Charles Moreau Dubreuil et Auguste Potier de Pommeroy). La campagne se déroule alors dans un climat délétère, entre lettres anonymes, invectives, coups bas et dénonciations. Le dépouillement se passe dans la confusion. Pauwels remporte l’élection, avec une voix de majorité. Des accusations d’irrégularité et de fraude électorale se font alors immédiatement jour.
Dénonçant « le scandale dont nous avons été témoins », le maire Aubert et ses deux adjoints démissionnent le 16 juillet en signe de protestation. Informée de ce charivari, la Chambre des députés décide de diligenter une commission d’enquête parlementaire. Après plusieurs mois de travail, elle décide d’invalider l’élection. Le constat est accablant pour Pauwels et ses partisans : quatre bulletins nuls ont été comptabilisés en sa faveur, des électeurs ivres ont été emmenés par leurs soins jusqu’au bureau de vote et des pressions ont été exercées sur des votants. Pire, l’enquête établit que le sous-préfet Auguste Rollin, déjà favorable à Pauwels trois ans plus tôt, a reçu une gratification financière (présentée comme un prêt à taux zéro) du député sortant.
A la suite de ce scandale, une nouvelle élection est organisée le 11 juin 1843, qui voit Pauwels largement battu par Pommeroy, tandis que le roi Louis-Philippe destitue le sous-préfet corrompu de ses fonctions. Dès le 29 juin suivant, Aubert redevient maire de Langres et le demeurera jusqu’en 1847.
N. C.