Réformer, expliquer – L’édito de Christophe Bonnefoy
En politique aujourd’hui beaucoup plus qu’hier, la seule réforme ne se suffit plus à elle-même. Que le fond soit bon ou pas, d’ailleurs. Le minimum syndical, si l’on peut dire, n’est plus de mise, il devient même dangereux pour un gouvernement. Il y a en fait désormais nécessité, non seulement de bien penser son projet mais, surtout et puisque le mot est à la mode, de faire preuve d’une grande pédagogie.
Autrement dit, il faut à la fois bien échafauder son plan, mais aussi savoir l’expliquer. Pour reprendre un exemple de cette vieille politique vue en 2018 comme désuète, Alain Devaquet s’était cassé les dents en 1986 sur la réforme de l’Université. L’idée d’une plus grande autonomie était bonne. Mais faute d’avoir pu le faire comprendre aux intéressés et en préférant imposer plutôt que proposer, toute tentative a posteriori d’avancer de bons arguments était vouée à l’échec. Résultat : une réforme de plus reléguée aux oubliettes. C’est vrai en ce mois de février avec la SNCF et c’est principalement pour cette raison qu’Emmanuel Macron préfère négocier – ou en tout cas donner le sentiment qu’il y aura négociation -. C’est tout aussi vrai pour le texte proposé hier par le ministre de l’Intérieur sur l’asile/immigration. D’autant plus qu’au sein-même de LREM, on n’est pas forcément unanime sur tous les sujets. Expliquer, expliquer, expliquer… voilà l’une des clés d’une éventuelle réussite.
En revanche, et pour les coups le problème ne vient pas du gouvernement mais de la sacro-sainte Europe, il sera bien difficile d’expliquer aux agriculteurs qu’après leur avoir imposé, à raison, de plus en plus de normes sanitaires, on va aller chercher de la viande en Amérique du Sud, là où on utilise, encore, des produits interdits depuis des décennies chez nous. Il devient dès lors inutile d’essayer de faire accepter quoi que ce soit, quand pour le coup, c’est le simple bon sens qui devrait tuer l’idée dans l’œuf.