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Réforme pénale : les axes du projet

Pollué de gauche à droite par des affirmations infondées aux racines électoralistes et partisanes, le débat sur le projet de réforme pénale bat son plein. Présentation non exhaustive des principaux axes dece projet…

 

Le fantasme de la peine plancher

La suppression de la peine plancher suscite de nombreux commentaires. Et pourtant… Argument de campagne de Nicolas Sarkozy concrétisé par la promulgation de la loi du 10 août 2007 sur la récidive, la création de la peine plancher a longtemps incarné un durcissement fantasmé des sanctions à l’encontre des récidivistes. Un prévenu répondant d’un délit passible de dix ans de prison ferme est ainsi censément exposé à une peine minimale de quatre ans en cas de récidive légale. Dans un contexte de surpopulation carcérale, la peine plancher n’est dans les faits appliquée qu’à de rares exceptions. Et pour cause : la juridiction a tout pouvoir d’écarter l’application de la peine plancher. Une peine inférieure au seuil de la peine plancher peut ainsi être prononcée en considération de circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion. Véritable leurre exploité par des hommes politiques feignant d’ignorer ce pouvoir laissé aux juges, la suppression des peines plancher figurait parmi les promesses de campagne de François Hollande. Une application systématique de la peine plancher aurait selon diverses études nécessité de doubler ou tripler le nombre de détenus.

 

Plus de sorties sèches

Présenté comme laxiste par une partie de la classe politique, le projet de réforme pénal présenté par Christian Taubira présente plusieurs points marquant un durcissement des faveurs accordées aux détenus. Les sorties sèches de prison devraient ainsi être annulées en cas de vote de la réforme pénale. Le détenu serait désormais obligatoirement soumis à un examen approfondi de sa situation au deux tiers de sa peine afin de favoriser «un retour progressif à la liberté» dixit Christian Taubira. A l’heure actuelle, 15 % des détenus sortent de détention sans la moindre solution d’hébergement. Cette situation participe à un important taux de récidive en augmentation entre 2007 et 2012.

 

Limitation des aménagements de peine

Toute personne condamnée par un tribunal correctionnel à deux ans de prison a vocation à être reçue par un juge d’application des peines en vue d’un aménagement de peine (bracelet électronique, semi-liberté, travail d’intérêt général…). Le projet de loi soutenu par Christiane Taubira exclut tout aménagement de peine pour des condamnations supérieures à un an de prison ferme. Cette durée tombe à six mois pour les récidivistes. Les places en prison devrait venir à manquer…

 

Quid de la contrainte pénale ?

L’échec des mesures punitives adoptées ces trente dernières années est illustré par un important taux de récidive. Plus de 55 % des personnes libérées en 2002 ont ainsi été recondamnées dans les cinq années suivantes, selon une étude publiée en 2011. Cette part est portée à 63 % pour les détenus libérés sans avoir bénéficié d’aménagement de peine, contre 55 % pour les personnes ayant profité d’un aménagement. Le taux tombe à 39 % pour les détenus profitant d’une liberté conditionnelle. L’importance de la récidive explique partiellement la surpopulation observée dans des établissements pénitentiaires souvent vétustes. Figurant parmi les pays européens affichant le taux le plus élevé de détenus pour 1 000 habitants, la France compte ainsi un nombre record de prisonniers (près de 68 000 au 1er août 2013).

La notion de “probation” apparaît, selon Christiane Taubira comme une solution susceptible de répondre à un important taux de récidive tout en limitant la surpopulation carcérale. Pour les délits passibles de moins de cinq ans de prison, la contrainte pénale permettrait d’imposer un suivi en milieu ouvert assuré par les personnels du Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP). Si la contrainte pénale ne fait pas directement mention d’une durée précise d’emprisonnement, le condamné pourrait rejoindre une maison d’arrêt cas de non respect des contraintes imposées par le juge d’application des peines. Ce dernier serait en charge de décider de la durée de cette période de détention.

La contrainte pénale peine à se distinguer de l’actuel sursis avec mise à l’épreuve (SME). Cette peine restrictive de liberté en milieu ouvert impose des obligations au condamné (soins, travail ou formation, indemnisation des victimes, interdiction d’entrer en contact avec une victime…). Tout manquement entraîne une révocation totale ou partielle de la peine avec sursis prononcée par le tribunal. Contrairement à la contrainte pénale, la durée maximale de la peine encourue en cas de non respect des différentes obligations est connue du condamné dès le prononcé du jugement. Le SME permet également de prononcer des peines mixtes. Un condamné peut ainsi effectuer une période de prison ferme avant d’être soumis à des obligations en milieu ouvert une fois libéré.

 

Quid des effectifs ?

Entre 2007 et 2012, 12 000 postes de policiers auront été supprimés dans le cadre de Révision générale des politiques publiques (RGPP). A l’image de la situation observée en Haute-Marne, de nombreux postes de magistrats – du siège comme du Parquet – seront également restés vacants. Les représentants – syndiqués ou non – du Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) dénoncent également de criants manques de moyens humains nuisant au quotidien au suivi des condamnés. Directement lié à l’efficience du SPIP, le recours à la contrainte pénale nécessitera un nombre de fonctionnaires en hausse. Seuls 450 postes de conseillers d’insertion et de probation devraient être créés à l’horizon 2015. Nécessaire à la mise en place de la contrainte pénale, la hausse du nombre de juges d’application des peines devrait se limiter à la création de 42 postes en 2014.

 

Prévenir à défaut de punir

La France affiche des niveaux records en terme de délinquance. Malgré une politique particulièrement punitive au regard de la tolérance en vigueur dans de nombreux pays européens, les Français sont ainsi à l’échelle européenne les plus importants consommateurs de cannabis. Les risques judiciaires encourus par les fumeurs n’ont pas freiné une graduelle hausse de la consommation de cannabis observée ces dix dernières années. La consommation d’héroïne atteint également un niveau record. Les mesures punitives ont également un impact des plus limités pour une frange de la population ancrée dans une délinquance vivrière. Cette situation est plus particulièrement perceptible dans des zones populaires dites sensibles. La lutte contre la délinquance doit donc dépasser l’aspect purement pénal. Dans un contexte de baisse des aides publiques aux associations d’éducation populaire, culturelles ou sportives, favoriser des actions tendant à couper adolescents et jeunes adultes de comportements déviants demeure particulièrement difficile. Intensifier les moyens humains et matériels en matière d’aide et d’accompagnement aux victimes de l’addiction permettrait également de limiter l’important taux de récidive enregistré chez alcooliques et toxicomanes.

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