Réforme des retraites : à nouveau une forte mobilisation en Haute-Marne
A Chaumont, Saint-Dizier, Langres et Joinville, la large intersyndicale opposée à la réforme des retraites appelait les habitants de Haute-Marne à se mobiliser ce 31 janvier pour dire non au projet défendu par le gouvernement actuellement en débat à l’Assemblée nationale. Récit et témoignages.
« Les femmes sont particulièrement affectées par cette réforme »
Lydie, de Langres, est venue manifester en raison de l’impact prononcé du projet de réforme des retraites pour les femmes : « Les femmes sont particulièrement affectées par cette réforme. Celles qui se sont arrêtées de travailler, ou qui sont passées à temps partiel, pour élever leurs enfants la subiront de plein fouet, avec beaucoup trop de trimestres à rattraper. C’est la double peine ». Agée de 57 ans, Lydie craint pour son avenir : « Avant mon emploi actuel, j’ai longtemps été assistante maternelle et, à l’époque, la profession était moins reconnue. Je ne cotisais pas pour tous mes trimestres chaque année. J’étais déjà contrainte à partir à 64 ans avant même qu’il n’y ait cette réforme, jusqu’à quel âge devrai-je continuer à travailler pour espérer une retraite à taux plein ? ».
« On va vite se retrouver dans la même situation que l’Allemagne »
André-François et Jean-Pierre, de Chanoy, sont venus spécialement manifester à Langres : « Nous sommes contre cette réforme, qui risque bien d’être adoptée. A ce train-là, on va vite se retrouver dans la même situation que l’Allemagne, où le départ en retraite est fixé à 67 ans ». Lui-même retraité, Jean-Pierre a tenu à participer à la mobilisation par solidarité avec ses enfants et petits-enfants, craignant pour leur avenir dans un contexte politique de plus en plus troublé.
« Je suis solidaire avec mes enfants et petits-enfants ! »
Figure cédétiste bien connue à Langres, ancien directeur de la Mission locale, Serge François, à la retraite depuis plusieurs années, a tenu à montrer sa solidarité avec les générations encore au travail : « Je suis solidaire pour mes enfants et mes petits-enfants. Solidaire avec ceux qui travaillent actuellement et ceux qui n’ont pas encore commencé ». Estimant que le projet de réforme des retraites « devrait faire l’objet d’un référendum », Serge fustige « une répression sociale qui s’accentue ces dernières années », au détriment des classes les plus défavorisées.
« On ne se voit pas aller jusqu’à 64 ans »
Soignantes au centre hospitalier de Langres, au service pneumologie, Gaëlle et Amélie ont tenu à manifester à la fois contre la réforme des retraites et pour de meilleurs conditions de travail au sein de la santé publique. « On ne se voit pas aller jusqu’à 64 ans et devenir encore plus malades que nos patients », ont-elle lancé, en dénonçant « l’injustice » du projet de réforme et en déplorant que « la pénibilité ne soit pas assez prise en compte ». Optimistes, elles que le haut niveau de mobilisation « va faire bouger les choses, et que le gouvernement sera contraint de la prendre en compre ».
Michèle et Patrick, retraités : « Si c’est pour finir malade… »
Retraités de l’Éducation nationale depuis plusieurs années, Michèle et Patrick étaient présents à Saint-Dizier « en soutien aux travailleurs locaux, qui travaillent durs et sont particulièrement impactés ici, comme les ouvriers du bâtiment et les gens dans les usines ». « Nous sommes partis en retraite à 58-59 ans et on était HS. Au niveau articulaire, nerveux, c’était déjà bien assez ». Michèle est partie avant d’avoir tous ses trimestres et du coup, avec décote, « mais j’ai arrêté malade et fatiguée ». « On veut de l’argent pour les retraites mais on va creuser le budget de la Sécurité sociale, on sait qu’à partir de 55 ans, on a les soucis de santé », poursuit Patrick.
Bruno Baudier qui travaille dans la décoration : « C’est la première fois que je manifeste ! »
Bruno travaille dans la décoration. « Je n’ai jamais fait grève de ma vie, c’est une première. C’est pour dire que là, c’est trop ! J’ai commencé en 1984, en faisant 44,30 h par semaine, puis 42,30 h, 39 h et 35 h… Mais de la pré-retraite à 58 ans, on est passé à la retraite à 60 ans, puis 62 avec Sarkozy. C’est bon maintenant, ça suffit, j’ai travaillé toute ma vie, je pense avoir assez contribué pour nos retraites.. je pense aussi à ma femme (dans l’Éducation nationale). Il faut que le secteur privé montre sa grosse colère. » Pour Bruno, il y a d’autres options que la retraite à 64 ans. « S’il faut passer de 35 à 36 heures par semaine, franchement, je le fais ! » Il manifestait à Saint-Dizier.
Les chiffres dans l’éducation nationale
L’Académie de Reims communiquait hier soir les chiffres de la mobilisation dans l’Education nationale. A l’échelle nationale, la mobilisation s’est révélée plus faible : 26,65 % dans le premier degré ce 31 janvier contre 42,35 % le 19 janvier. Et 25,22 % pour le second degré contre 34,66 % la première fois.
A l’échelle de l’académie, la participation au mouvement atteint 20,47 % en moyenne. En Haute-Marne, les enseignants du premier degré étaient 26,27 % à faire grève et 19,48 % dans le second degré.
Hubert (Sud Solidaires) : « On sera là tant qu’il faudra »
« On ne va rien lâcher, on sera là tant qu’il faudra ! Il y a la réforme des retraites, mais il y a tout qui s’entre-mêle : le pouvoir d’achat, le carburant… C’est un mécontentement général. Il y aussi la casse des services publics. Je suis sur l’hôpital et les services ferment les uns derrière les autres… Et on ne fait rien ! Et c’est pour ça qu’on est là. » Il manifestait dans les rues de Chaumont.
Marc : « Pour porter les revendications des Gilets jaunes »
Auto-entrepreneur, Marc est un Gilet jaune de la première heure. La nouvelle réforme allongera sa durée de travail. Il pourra partir à taux plein à l’âge de 65 ans. Il manifeste à Chaumont contre le report de l’âge de la retraite mais aussi là pour porter les revendications plus larges des Gilets jaunes : « L’inflation, les problèmes de santé, les soignants suspendus, contre tout ce qu’on a traversé durant la crise sanitaire, coût de la vie et contre Macron ».
A Joinville, une mobilisation dans le calme
Entre 60 et 70 personnes se sont rassemblées, à 14 h, place Jean-Sire, à Joinville, pour participer à la manifestation organisée par le parti communiste. Le cortège a ensuite parcouru le centre-ville en empruntant les rues Aristide-Briand, de la Fontaine, le Petit-Marche, de l’Etape et est revenu à son point de départ par les rues des Capucins et Mauclère. Et ce, sans incident.
Sandrine Néant (clerc de notaire) : « Notre régime spécial est menacé »
Jamais, de mémoire de Bragard, les clercs de notaires ne sont descendus dans la rue pour manifester. C’est dire l’importance de la manifestation, ce mardi 31 janvier. Les clercs sont en effet bénéficiaires d’un régime spécial, la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN), depuis 1937. Or, la disparition des régimes spéciaux est l’un des points clés de la réforme des retraites souhaitée par le gouvernement. « Un pourcentage des émoluments est versé directement à notre caisse de retraite. Avec cette réforme, et alors même qu’elle n’est pas déficitaire, notre caisse est menacée de disparaître », s’émeut Sandrine Néant. Ainsi, un tiers des clercs de notaires bragards ont décidé de faire grève.
La mobilisation ne faiblit pas à Bar-sur-Aube
Environ 350 personnes se sont rassemblées, place de l’Hôtel-de-Ville, sous les bannières syndicales, ce mardi 31 janvier à 15 h 30, pour demander le retrait de la réforme des retraites. Après quelques mots prononcés par des représentants syndicaux, un défilé s’est mis en place et emprunté les rues de la ville.
Sabine (agent hospitalier) : « Deux années en plus avec cette réforme »
« Je suis agent hospitalier à la Maison de retraite d’Arc-en-Barrois et je travaille de nuit. Je n’ai pas pu venir à la dernière manifestation, mais je suis aujourd’hui mobilisée à Chaumont pour m’opposer à cette réforme qui reporte mon départ à la retraite de deux années… C’est un domaine où on est déjà suffisamment usé… »