Réduire la fracture – L’édito de Patrice Chabanet
Le
pays est encore sonné par le coup de massue d’une abstention record.
Le second tour des régionales et des départementales ne devrait pas
changer fondamentalement la donne. Il y a bien une fracture entre les
électeurs et ceux qui sont censés les représenter. Parmi les
premières propositions pour réduire cette fracture il y a le vote
obligatoire. Voter n’est pas seulement un droit, c’est aussi un
devoir, défendent les partisans de pareille mesure. Un raisonnement
frappé du bon sens, en apparence. Mais peut-on parler de progrès
quand on incorpore de force l’électorat dans les scrutins ? Une
explosion des votes blancs ou nuls constituerait-elle une avancée
par rapport à une abstention massive ? La meilleure solution
implique l’adhésion des électeurs aux projets qui leur sont
présentés. C’est là que le bât blesse. L’organisation de la
société et l’empilement des strates de décision ne restent
accessibles qu’aux initiés. La pandémie a montré et montre encore
des conflits de compétences dont le citoyen lambda se sent écarté.
Il y a « eux » et nous la valetaille. C’est un peu
(beaucoup) le message qu’ont fait passer les abstentionnistes
dimanche dernier. Le fond du problème n’est donc pas seulement une
déficience du discours politique mais un mal structurel : la
centralisation à la française relègue les citoyens au rôle de
simple figurant.
La forte abstention de dimanche dernier
met-elle en péril la trajectoire présidentielle d’Emmanuel Macron ?
A priori oui, si l’on considère l’effet collatéral de
l’effondrement de LREM. Mais elle le conforte dans l’idée que des
élections locales, même désastreuses pour lui, n’ont rien à voir
avec la course reine : la présidentielle. Les sondages lui
donnent raison. A moins d’un an de l’échéance, il est mieux placé
que ses prédécesseurs Sarkozy et Hollande. Mais rien ne dit qu’à
contexte différent la comparaison demeure pertinente. Quant aux
sondages, mieux vaut ne pas trop s’y fier…