Recrutement : la Haute-Marne toujours à la peine
Le bassin d’emploi de Langres frise, depuis plusieurs années, le plein emploi. Ces derniers mois, de nouveaux secteurs d’activités peinent à trouver de la main d’œuvre. Le point avec Bruno Maso, directeur de Pôle emploi.
Il y avait déjà le transport, l’hôtellerie-restauration, ou encore un grand nombre de secteurs industriels, depuis de nombreuses années. Ces derniers mois, de nouveaux domaines d’activité, y compris dans le tertiaire, sont touchés par une certaine pénurie de main-d’œuvre, soit avec une offre restant assez longuement non-pourvue, soit avec une désaffection des candidatures par rapport à ce qui était la norme il y a encore deux ou trois ans.
Ce constat, Bruno Maso l’a d’ailleurs fait dès son arrivée à la tête de l’agence Pôle emploi de Langres, en septembre. Plusieurs facteurs l’expliquent. La base est évidemment structurelle, avec un taux de chômage endémiquement faible : « Le bassin d’emploi de Langres n’est pas si loin de la situation de plein emploi », rappelle-t-il, avant de dresser un constat implacable.
« J’ai désormais de nombreux employeurs qui, aujourd’hui, sont surpris d’avoir très peu de candidatures, parfois assez farfelues sur un poste alors qu’ils en avaient énormément il y a encore quelques années. Même la Ville de Langres rencontre des difficultés : cela a été le cas pour les postes de médiateur numérique ».
Loi de l’offre et de la demande
L’un des principaux facteurs réside dans l’inadéquation entre les profils des demandeurs d’emploi locaux et certains postes à pourvoir. Ainsi, des fonctions de secrétaire ou de vendeur, par exemple, nécessitent un certain nombre de compétences supplémentaires : « Aujourd’hui, nous allons être sur des sociétés qui vont rechercher des secrétaires avec un profil technique, par exemple dans le domaine industriel. Certains types de magasins sont en quête de vendeurs avec un bagage technique : les enseignes de bricolage, par exemple, ont quelques difficultés, tout comme la grande distribution pour la manutention et le drive ».
Enfin, l’une des lois d’airain de l’économie de marché est le dernier paramètre à prendre en compte : celle de l’offre et de la demande. Le travail est un marché comme un autre, et la situation s’inverse désormais en faveur des salariés et des demandeurs d’emploi. Les recruteurs, eux, sont contraints de faire des efforts, ce qui n’est pas toujours possible. « Il y a aujourd’hui de la concurrence entre entreprises ! Un recruteur m’a récemment confié qu’une personne embauchée ne s’est finalement pas présentée, tout simplement parce qu’elle avait trouvé mieux ailleurs. Il y a aussi des débauchages entre entreprises d’un même secteur, c’est quelque chose qui ne se voyait plus depuis longtemps… », note Bruno Maso.
Face à cette situation, les employeurs sont contraints de consentir quelques efforts, ce qui n’est pas toujours dans leurs possibilités : « Les trésoreries ne sont pas toujours abondantes, et l’incertitude demeure avec la pandémie qui repart… Pour certaines, entreprises, c’est un peu la quadrature du cercle ».
Nicolas Corté
n.corte@jhm.fr
« Pôle emploi nous a dit d’apprendre à parler aux jeunes gens… »
A la tête d’une entreprise de 49 salariés, Mathieu Macheret serait comblé… s’il pouvait recruter. Il s’étonne que les employeurs soient les premiers tenus responsables de cette pénurie.
« Notre carnet de commande est plein… au point que ça dépasse l’entendement ». Même si le P-DG de l’Imprimerie de Champagne Mathieu Macheret convient, dès le tout début octobre, que la période des fêtes qui approche est le moment fort de l’année, que produire en France est redevenu sacrément à la mode… reste qu’il y manque du papier, dont les prix ont flambé après le surgissement du Covid-19… et de la main d’œuvre… Il recense alors les motifs de ce second obstacle, qui le déconcerte.
« Aujourd’hui, il faut considérer un jeune comme un auto-entrepreneur. Son mode de fonctionnement est radicalement différent de celui que l’on connaissait ». Il est des patrons de l’imprimerie à avoir participé à des forums sur l’alternance. « Des élèves se retrouvent sans entreprise ». À ses yeux, c’est qu’ « ils préfèrent le graphisme, les écrans. C’est moins dur. Pourtant, nous offrons des salaires corrects ». Mathieu Macheret a été scotché d’entendre la recommandation de Pôle emploi.
« On nous a dit que, pour recruter, il nous fallait apprendre à parler aux jeunes gens… Qu’il ne leur revenait pas de se former ». Le P-DG s’alarme. « Une entreprise va s’installer à Rolampont, avec environ cent emplois à la clé… Où va-t-elle les trouver ? ». La pénurie de main d’œuvre oblige l’Imprimerie de Champagne à « ne plus prendre plus de boulot ». Mathieu Macheret entend en effet « ne pas tirer sur les effectifs ». Cet automne, le patron cherchait un jeune qualifié et un jeune à former. Il l’avait fait savoir à Pôle emploi et à Adecco.
« Mais pour embaucher un salarié qualifié, on m’a prévenu qu’il faudrait lui trouver un logement… et que sa compagne ou son compagnon trouve un emploi… Quelle aide financière le permet ? ». Mathieu Macheret a « proposé à la ville de Langres de faire un petit point. Mais ici, c’est compliqué… ». Aussi, il s’est assis à la table des grandes communautés du secteur de l’impression, où il a des amis de longue date. « C’est en fonctionnant en réseau que l’on est efficaces ».
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr