Raymond Domenech : « j’ai une conviction profonde »
Hier, Raymond Domenech a donné sa dernière conférence de presse
au Rattenfäger Halle de Hameln. Une fois n’est pas coutume, le sélectionneur des Bleus s’est laissé aller à quelques confidences. Entretien.
Luiz Felipe Scolari, le sélectionneur du Portugal, est venu saluer Raymond Domenech avant la rencontre. Les deux hommes avaient le sourire mais au coup de sifflet final, seul le visage du sélectionneur des Bleus était radieux. Normal, son équipe a souffert mais elle a tenu face à une solide formation lusitanienne. Alors que les hommes de Luiz Felipe Scolari disputeront la “petite finale”, demain, à Stuttgart, face à l’Allemagne, la bande à Raymond Domenech sera le lendemain à Berlin, face à l’Italie pour LA finale de la Coupe du Monde. Une rencontre que le mentor tricolore veut gagner même s’il n’oublie pas tout ce que lui et ses troupes ont vécu depuis deux ans. Entretien.
A la fin de la rencontre, la joie semblait plus contenue que face à l’Espagne ou face au Brésil. Qu’en pensez-vous ?
Raymond Domenech : «Il y a une finale à jouer, il faut être prêt. Nous avons déjà la tête au match face à l’Italie c’est pourquoi l’ex- citation est différente.»
Est-ce qu’il y a en vous, après cette qualification pour la finale, une jubilation particulière ?
R. D. : «Je suis fier d’avoir amené cette équipe là en finale et de voir tout ce qui se passe en France. Maintenant, je ne suis pas Pierre de Coubertin, je ne suis pas là pour participer mais pour gagner. Je comprends que ce que j’ai pu faire pendant deux ans ait été incompréhensible par moment. Je ne me suis pas battu pour avoir raison. J’accepte les critiques des médias et du public, en revanche, je suis plus réservé sur les attaques personnelles. Je n’ai pas de revanche à prendre. Chacun a fait ce qu’il semblait être le mieux. Moi, j’avais une conviction profonde.»
Durant la rencontre, Luiz Felipe Scolari, le sélectionneur portugais, n’a pas cessé de vous regarder et de vous provoquer.
R. D. : «J’avais dit aux joueurs de ne pas tomber dans cette provo- cation, je n’allais quand même pas tomber dans le panneau ! Je me suis occupé du terrain. Je ne peux pas m’occuper du jeu et des à-côtés. Lui, il peut, c’est son affaire.»
Est-ce que l’équipe de France a passé un nouveau cap ?
R. D. : «En France, le travaille concernant le football est bien fait que ce soit avec les sélections de jeunes ou bien avec les seniors. Ce n’est pas pour rien si le football français est un des meilleurs du monde. Il faut être dans les plus grandes compétitions et aller le plus loin possible pour être considéré comme une grande nation de football.»
Une fois encore, la France est descendue dans la rue pour fêter la victoire des Bleus. Cela doit vous faire plaisir ?
R. D. : «Pour qu’il se passe quelque chose autour de l’équipe de France, il faut que l’on fasse quelque chose. Il ne faut pas que l’on soit à l’extérieur de cet évé- nement. On n’est pas là pour se regarder le nombril…»
Nous avons senti une équipe très solidaire et complémentai- re. Est-ce votre avis ?
R. D. : «Il y a un équilibre entre les jeunes et les vieux, entre ceux qui sont expérimentés et ceux qui le sont moins. Les uns tirent les autres. Tout le monde doit se sentir concerné jusqu’à la dernière minute du match face à l’Italie. Je tiens d’ailleurs à rendre hommage à ceux qui n’ont pas joué. J’ai été joueur et je sais ce que l’on ressent lorsque l’on fait partie d’un groupe sans y être vraiment. Cela demande de grosses qualités morales et mentales. Il faut conti- nuer comme cela, tous ensemble, pour gagner le 7ème match de la Coupe du Monde. Face à l’Italie, il faudra être capable de réagir, de provoquer et de gérer comme cela a été le cas face au Portugal.»
Certains joueurs vous ont-ils surpris ?
R. D. : «Non. Si cela était le cas, c’est que je les aurais mal jugés. Je sais ce qu’ils sont capables de faire et ce qu’ils doivent encore faire. J’avais la conviction qu’ils avaient leur place dans cette équipe de France.»
La Coupe du Monde va se ter- miner et marquer la fin d’une génération ?
R.D. : «En 86, il y a eu la génération Platini, là, il y a la génération Zidane. J’espère qu’il y aura très vite une autre génération qui fera oublier les autres. Le but est de trouver des joueurs qui permettent à une génération de s’exprimer.»
Estimez-vous que, depuis le début du Mondial, la France a eu de la chance ?
R. D. : «La chance tourne toujours vers l’équipe qui a fait ce qu’il faut. La chance sur un match, oui mais sur sept matches, cela ne marche pas. En Allemagne, il y a beaucoup d’éoliennes et leur particularité, c’est que la roue tourne tout le temps, il faut donc faire attention…»
Quel est votre avis sur cette
équipe d’Italie ?
R. D. : «Elle a fait un exploit en
éliminant l’Allemagne. Le football
italien reste une référence et il est
bien de se tester face à eux. Pour
moi, jouer l’Italie a une émotion
particulière. Ils sont admirables
par leur mental, ils s’accrochent
tout le temps et les matches face à
cette équipe sont tout le temps
intéressants, il en reste quelque
chose.»
Ils vont bénéficier d’un jour de
récupération de plus que la
France, est-ce ennuyeux ?
R. D. : «Ils ont joué trente minutes
de plus que nous, nous avons un
jour de moins pour récupérer
mais je ne sais pas si cela va
avoir une incidence sur le résultat
final. Il faut bien récupérer, sans
recette particulière. Ce n’est pas
une usure psychologique mais
une fatigue normale, c’est moins
embêtant.»
En 1998, le slogan des Bleus étaient “la victoire est en nous”, est-ce toujours le cas en 2006 ?
R. D. : «On vit avec cette envie de la victoire mais elle n’appartient pas à la France. Celui qui sera le plus déterminé gagnera dimanche.»
Reportage en Allemagne : Yves Tainturier