Quand, à Langres, les jeunes filles étaient rangées
Les demoiselles ont eu leur collège à elles toutes seules dans la cité des remparts, et, certes, on est loin d’une singularité langroise. Reste qu’en en étant aujourd’hui dépourvues, on peut regarder leur rang d’oignons comme une curiosité.
Vingt silhouettes raides comme des piquets, et les piquets ne donnent pas le sentiment que c’est heure de bamboche. Toutes vêtues de noir, genoux totalement recouverts, pour peu qu’ils soient un peu longs, les cheveux sont attachés sans qu’on imagine un instant que la fantaisie ait pris le pouvoir. Peut-être qu’en grandissant, les demoiselles pourront porter au moins un tablier clair, comme leurs aînées à leur gauche (et à notre droite), changement qui pourrait, à voir cette image, symboliser qu’il y a un intérêt à grandir. Qu’en étant plus vieilles, elles auront déjà davantage de choix vestimentaire, même si, toujours à observer la pose des quatre adultes, il faudra en tout cas oublier l’idée de sentir le tissu épouser les formes de son corps. Pourvu que le photographe ait figé tout ce petit monde un jour où la température était clémente, rien de plus, imaginez-les ainsi ficelées sous 30°C. Du mouvement, seul le personnage… immobile à la charrette en donne un peu.
Ces vingt demoiselles forment un bataillon. Comme elles sont collégiennes, on suppose qu’elles sont priées d’avoir en tête qu’il est difficile d’étudier sans faire preuve de rigueur. Au lieu de le leur répéter -c’est vrai que les demoiselles ont des têtes de linotte- de glisser un pense-bête dans leurs poches, on les embobine comme des petits paquets. Pour en savoir un peu plus sur la géométrie, sur la botanique, sur la poésie, il vaut mieux commencer par apprendre à être des demoiselles rangées.
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr