Quand le feu embrase Saint-Mammès
Les murs ont la parole. Notre série consacrée à de grands évènements langrois se poursuit. Mais aujourd’hui l’heure est grave. Nous sommes le samedi 18 avril 1562 et tous les regards sont tournés vers la cathédrale. La grande dame de pierre rougeoie sous les flammes.
Les délibérations capitulaires relatent ces heures sombres… « sur les six heures d’après-midy, qui est l’heure du souper, le ciel s’obscurcit tout d’un coup, un prodigieux vent s’élevat avec gresle et un grand tonnerre ; en sorte que l’on regardoit ce jour comme le dernier jour de la ruine de l’église et de la ville. Sur les huit heures du soir, on aperçut sur le faîte du toit un feu comme une chandelle. Le peuple, par ce spectacle, soupçonnat qu’il y avoit trahison dans la ville, excité par les ennemis de notre religion et de nostre foy, qui étoient en grand nombre. Le gouverneur ordonna que tous les postes autour de la Ville fussent gardés et munis de gens d’armes. Toutes les cloches et l’horloge furent fondus. Les reliques de saint Mammès et les autres furent exposées au peuple pour exciter à implorer la bonté de Dieu et sa clémence pour le salut de l’église et de la ville. Aussitôt il fit cesser le vent et la tempête et envoyat une pluie salutaire qui éteignit les flammes ». Ainsi, alors qu’on pensait à une diversion ennemie et que l’on envoyait les forces vives garder le rempart, la cathédrale, elle, se consumait. Si l’incendie ne se répendit pas dans la ville, il toucha sévèrement l’édifice, sa charpente et sa façade. Un autre témoin, le chanoine Théodecte Tabourot relate, » le feu (…), après un furieux coup de tonnerre, se prit au-dessus de l’aiguille (le sommet) du clocher de Sainct-Mammès et au pied de la croix, brusla et consomma entièrement trois clochers et tout le dessus de l’église en moins de trois heures ». Cette tragédie vous en rappelle certainement une autre, plus récente et parisienne… A Langres, les travaux sont bientôt lancés. La toiture de la nef est confiée à un Joinvillois, Boniface Martin et le dessin des nouveaux clochers au chanoine langrois Jean Tabourot. Sur les trois projets de cet ingénieur qui signera bientôt le premier traité de danse connu, « l’Orchésographie », seuls deux seront bâtis : un dôme pour la tour sud de la façade, ainsi qu’une nouvelle flèche pour la croisée du transept. Faute de moyen, la tour nord, gravement touchée, ne fut pas reconstruite. Plus tard, la cathédrale retrouvera un nouveau visage, avec la construction d’une nouvelle façade en 1761. La flèche bâtie à la croisée du transept sera quant à elle démolie en 1781.
De notre correspondante Angélique Roze