Quand la prison monte à la tête
Tribunal. Détenu à la maison d’arrêt de Chaumont, Geoffrey P. apprend le 8 juin dernier qu’il n’ira pas au parloir ce jour. C’est la douche froide, entraînant par la suite dégradations, altercations et insultes. Il a répondu de ses actes devant le tribunal correctionnel, ce vendredi 24 juin.
Le 8 juin dernier, Geoffrey P., détenu de la maison d’arrêt de Chaumont, demande à être envoyé en isolement. Une étrange sollicitation, intervenant après l’annulation de son parloir du jour avec sa compagne. Arrivé au « mitard », il met le feu à la literie. D’abord envoyé au Centre hospitalier de Chaumont, il est ensuite transféré en psychiatrie à Saint Dizier.
C’est au moment de son transfert dans la commune bragarde que se déroule la majorité des faits reprochés. Geoffrey P. demande ses affaires personnelles, plus particulièrement les photos de sa compagne et de sa « petite ». « Les photos, c’est tout ce qui me tient en prison », confie le détenu d’une voix angoissée, en sortant un mouchoir.
Après quelque temps, un agent pénitentiaire lui indique qu’il n’aura finalement pas ses affaires. Pour le condamné, c’est un coup de massue. « J’ai pété un plomb », reconnait-il dans le box vitré du tribunal. Le procureur énonce : « Monsieur P., ne voulant pas entrer dans le véhicule, s’y est agrippé et a bousculé un agent ». Une fois à bord, les insultes s’enchaînent pendant 45 minutes, ou un gros quart d’heure, selon les versions.
Pour sa défense, Geoffrey P. braque la lumière sur les traitements des forces de l’ordre à son égard. Il admet que « ça s’est mal passé, mais pas comme les agents le disent ». Il détaille : « Ils m’ont plaqué au sol et m’ont frappé. Ils étaient trois et j’étais tout seul. J’étais menotté et entravé. Je ne pouvais pas faire des pas de plus de 20 cm. J’ai repoussé la porte de la voiture pour montrer mon mécontentement et je suis entré dans le véhicule en pleurant. Je ne vois pas la violence. »
« Même [sa compagne] n’a pas compris »
Son avocat appuie : « Pour lui, il n’y a pas eu de rébellion, il était désespéré ». Le détenu a perdu pied en apprenant l’annulation de dernière minute de son moment parloir avec sa compagne, présente à l’audience. « Le parloir s’est toujours bien passé, ma compagne me calme. Je ne comprends pas pourquoi ça a été annulé et pourquoi elle est prévenue au dernier moment. »
Il existe bien évidemment une raison à cette interdiction : un jugement en date du 8 avril. Ce dernier positionne la compagne du prévenu, présente à l’audience pour le soutenir, comme une victime de violences conjugales. La maison d’arrêt a eu écho de cette indication tardivement. C’est pourquoi les visites se sont déroulées dans un premier temps avant d’être suspendues subitement.
L’avocat de Geoffrey P. note que sa compagne apparaît effectivement dans la procédure d’avril, mais rien de plus. « Quand elle a demandé pourquoi elle ne pouvait pas aller au parloir, on lui a répondu qu’elle était considérée comme une victime et qu’il y avait une interdiction de contact. Même elle n’a pas compris ». Il évoque une relation saine : « Leur relation est installée. Toutes les semaines, elle vient le voir, lui lave son linge et elle a le droit de lui téléphoner ».
Manque de suivi psychologique
Le magistrat décrit son client comme quelqu’un de perdu, à fleur de peau, marqué par seize années de prison, une remise en liberté de quelques mois avant un retour au placard. « Vous avez déjà vu un mec qui demande à aller à l’isolement ? », interroge-t-il.
« Geoffrey P. a bientôt 40 ans, il a passé plus de la moitié de sa vie en prison. Après on se demande pourquoi il réagit comme ça ? […] C’était encore un gamin quand il est entré en prison, il ne sait pas comment se comporter. Il a besoin d’aide, il a besoin de voir un psy », indique l’avocat de Geoffrey P. Il pointe, qu’au mieux, les détenus de la maison d’arrêt voient un psychiatre une fois par semaine. « Pour quelqu’un qui a pris un an de prison, ce n’est pas pareil. Mais là, il a besoin de suivi. »
Le tribunal a jugé Geoffrey P. coupable. Il écope d’une peine de neuf mois d’emprisonnement, dont six avec sursis. Au moment du verdict, le détenu se mord les joues, laissant apparaitre la musculature de sa mâchoire crispée.
Julia Guinamard
j.guinamard@jhm.fr