Pure démagogie – L’édito de Patrice Chabanet
On le pressentait, mais maintenant c’est sûr : la future campagne des européennes ne va pas voler haut. La polémique qui a entouré la signature du traité d’Aix-la-Chapelle en a donné un triste et lamentable aperçu. L’extrême droite française, par ses porte-parole ou ses réseaux sociaux, s’est répandue partout en annonçant sans sourire que la France allait céder l’Alsace-Lorraine à l’Allemagne. En cela, elle utilise les bonnes vieilles ficelles de l’outrance rhétorique. On pourrait citer l’accusateur public du tribunal révolutionnaire sous la Terreur, Fouquier-Tinville, qui aimait à dire : « Donnez-moi une phrase de n’importe qui, et je me charge de le faire pendre ». En l’occurrence, il ne s’agit pas d’une phrase, mais de mots sciemment mal interprétés. Le traité, par ailleurs très tiède par rapport à celui signé en 1963 par De Gaulle et Adenauer, prévoit un renforcement de la coopération transfrontalière et du bilinguisme. Les rédacteurs du texte ont juste oublié que, dans le grand théâtre du complotisme ambiant, la coopération franco-allemande allait se transformer en soumission à l’Allemagne. Il fallait oser…Mais la haine de l’Allemand est un repoussoir qui peut toujours servir. Attendons quelques mois, et les dizaines de milliers de frontaliers alsaciens et mosellans qui vont travailler chaque jour en Allemagne, et qui maîtrisent la langue de Goethe, vont passer pour des traîtres…
Cette affaire montre en tous les cas que les nationalismes qui fleurissent en Europe et qui voudraient faire bloc au Parlement européen ne font que raviver les déchirures de l’Histoire. Pendant que l’extrême droite française sonnait le tocsin quant à une probable mainmise de l’Allemagne sur l’Alsace-Lorraine, son homologue allemande, l’AfD dénonçait le traité au motif que l’Allemagne allait devoir sauver financièrement l’économie française. Heureusement que le ridicule ne tue pas. On pourrait relever plusieurs victimes des deux côtés de la frontière. Plus sérieusement, ces polémiques vitaminées par les fake news font terriblement mal à ce que devrait être un débat démocratique.