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Procès Célestino Sequeira 3ème journée

Un vivant, un mort, deux êtres humains

La troisième journée du procès de Célestino Sequeira aura mis au jour les parcours édifiants d’êtres humains marqués par des enfances douloureuses. Les débats seront clos ce jour. Le verdict est attendu en début de soirée.

Misère, misère… Acte 1. Suscitant un profond respect, le parcours de Célestino Sequeira renvoie aux tristes parcours et effroyables existences des millions de migrants des temps modernes en quête de sécurité et prospérité.

Né en 1931, au Portugal, Célestino Sequeira n’a aucun souvenir de son père. Ce dernier est prématurément parti au Brésil. L’enfant n’aura jamais la moindre nouvelle de son géniteur. L’absence du patriarche favorise une existence misérable. La vie est difficile au Portugal dans les années 1940. «L’école n’était pas obligatoire, il fallait faire vivre la famille, j’ai commencé à travailler dans les vignes à l’âge de onze ans», confiera l’accusé, assisté d’une traductrice peinant à masquer désolation et compassion.

Les conditions de travail sont particulièrement rudes. A la limite de l’esclavage. Réduit à exercer un éprouvant travail d’ouvrier viticole, l’enfant n’apprendra jamais à lire, écrire et compter. Dans un contexte de dictature imposée par Salazar et les tenants d’une économie profitant aux plus puissants, Célestino Sequeira voit une de ses sœurs être placée, à l’âge de quatre ans, dans une riche famille portugaise. L’enfant servira en qualité de domestique. Un moindre mal. La famine règne au Portugal. «Je ramassais des trognons de pommes pour manger, nous avons connu la faim», soulignera Célestino Sequeira.

La France pour terre d’accueil

Célestino Sequeira travaille depuis onze ans lorsque de vifs rayons illuminent enfin son existence. L’amour… Une passion intangible. Célestino Sequeira a 24 ans lorsqu’il convole en justes noces. Les sentiments n’estompent pas la rudesse du quotidien dans un pays soumis à une dictature des plus violentes.

Des membres de la famille du jeune marié sont parvenus à gagner la France. Après avoir payé un passeur, Célestino Sequeira parviendra, à pied, à gagner l’Espagne avant de poser ses valises en Haute-Marne en 1969. Père de deux enfants, le Portugais est alors âgé de 39 ans. Sébastien Deyres vient de pousser son premier cri. La femme de Célestino Sequeira parviendra à rejoindre son courageux époux. L’immigré trouve un emploi dans le bâtiment avant d’intégrer la Société nouvelle d’organes mécaniques (Snom) en qualité de monteur. «Célestino était très courageux, on lui a confié des tâches que d’autres ne voulaient pas faire», témoignera un ancien collègue du valeureux travailleur décrit par des proches comme un homme «gentil», «serviable», «charitable». «Un catholique pratiquant». Tu ne tueras point…

La naissance d’une troisième fille marque le début d’années heureuses. Le couple n’en est pas moins isolé. Les relations amicales de mari et femme se limitent à la communauté portugaise. Amoureux de leur Portugal natal, Célestino Sequeira et son épouse n’afficheront jamais une totale maîtrise de la langue française. Les années passent. Les souvenirs des années noires demeurent. L’existence de mari et femme n’en est pas moins heureuse. Disposant de 1 200 euros de revenus, propriétaire d’un pavillon acquis grâce à un prêt familial, le couple peut enfin jouir d’une retraite méritée. Une fin de vie minée par le drame survenu dans la nuit du 6 au 7 mars 2012.

«Un lieu symbolique»

La rudesse de l’existence de Célestino Sequiera aura transpiré des expertises de psychologue et psychiatre. Ces experts rencontreront un homme «effondré». Un meurtrier présumé «à l’intelligence limitée», «au fonctionnement psychique assez frustre», un être humain habité par une certaine «anxiété», un père de famille rassuré par un sentiment de propriété. «Violer son domicile, un lieu symbolique», un modeste pavillon, un bastion familial, le fruit de longues années de labeur, «était insupportable pour lui», confiera un psychologue. Si Célestino Sequeira n’affichait aucune prédisposition à un passage à l’acte, le retraité, victime d’un vol dans son garage plusieurs années avant la triste soirée de mars 2012, était habité par un sentiment d’insécurité nourri par des reportages télévisés. «Des cambrioleurs tuent des personnes âgées pour 50 euros», aura confié l’octogénaire à un psychologue. «Quand il a constaté la présence d’un homme dans sa cave, monsieur Sequeira a voulu prendre les choses en main, c’est dans sa nature», notera un psychiatre.

«Abattu», «dépressif», «conscient de la portée de ses actes» et «affichant remords et sentiment de culpabilité», Célestino Sequeira survit depuis mars 2012. Sa joie de vivre s’est envolée. Le retraité a toujours la chance de pouvoir croiser les regards de femme, filles, petits-enfants et nombreux amis. Célestino Sequeira est en vie. Sébastien Deyres est décédé. «Je laisse la justice décider de mon sort», aura confié l’accusé au docteur Darbourg. Condamné ou acquitté ? Le verdict est attendu en début de soirée. Célestino encourt 30 ans de réclusion criminelle.

Thomas Bougueliane

Naufrage social

Misère, misère… Acte 2. Membre d’une fratrie comptant huit enfants, Sébastien Deyres, né le 8 mai 1969, aura connu des conditions de vie particulièrement difficiles dès son plus jeune âge. Dans les années 1970, le père du chérubin œuvre dans une fonderie de Saint-Dizier. La mère de l’enfant s’adonne à la boisson depuis de nombreuses années. De multiples cures n’y changeront rien. «Notre mère était alcoolique et totalement absente, notre père travaillait beaucoup, il était sévère, nous vivions avec nos parents chez nos grands-parents, nous étions victimes d’une certaine maltraitance morale. (…) Sébastien était différent, dès son plus jeune âge, il était traité de bon à rien, il se prenait des raclées. Sébastien affichait un réel handicap, il était différent, mais il ne s’est pas senti à sa place quant il a été orienté vers un Etablissement régional d’enseignement adapté (Erea), il s’est senti dévalorisé», témoignera la sœur aînée de Sébastien Deyres avant de confier avoir appris le décès de son frère à la lecture du Journal de la Haute-Marne. Un choc. Un traumastisme.

Une stabilité éphémère

«Particulièrement doué pour le dessin», Sébastien Deyres décrochera un Certificat d’aptitude professionnelle (Cap) de peintre-décorateur. Après un passage à Paris, le jeune homme regagne la Haute-Marne en 1993. Sébastien Deyres occupera divers emplois. Une union avec une institutrice sera suivie, en 1998, de la naissance d’un enfant. Cette stabilité apparente est fragile, éphémère. «Plein de rêves et d’envies», Sébastien Deyres voit une mère en son épouse. Cette mère absente, ce repère indispensable à un véritable épanouissement. Le père de famille commence à s’adonner à la boisson plus que de raison comme en témoignent des condamnations pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique. Le mariage bat de l’aile. Une séparation intervient en 2002.

Délits en série

Célibataire, Sébastien Deyres s’enfonce dans l’alcool et multiplie les délits à Saint-Dizier et Chaumont. Outrage à personne dépositaire de l’autorité publique, rébellion, menace de crime ou de délit, abandon de famille, exhibition sexuelle… A ces délits s’ajoutent de nombreux vols à l’étalage. Des larcins en lien avec l’addiction de cet alcoolique. Dans la nuit du 6 au 7 mars 2012, le malade aura ainsi tenté de dérober des bouteilles de vin de Champagne dans la cave de Célestino Seiqueira.

Sébastien Deyres comptait 20 mentions à son casier judiciaire avant son décès. Placé sous curatelle renforcée dès 2008, incarcéré à plusieurs reprises et régulièrement pris en charge à Maine de Biran, Centre médical de psychiatrie générale basé à Chaumont, Sébastien Deyres avait rétabli des contacts avec sa mère, décédée il y a quelques mois. «Ma mère avait réglé ses problèmes, elle a fini par se stabiliser, à partir de ce moment, Sébastien s’est enfoncé. Il était trop tard tard, le mal était fait. Nous n’avons pas connu une enfance heureuse. J’ai pardonné, mais je n’ai pas oublié», confiera la grande sœur d’un homme en errance. Un père mort avant l’âge. Un être humain fauché par une cartouche de chevrotine dans la pénombre d’un cave. L’épilogue d’une vie misérable.

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