Prisonnier deux fois – L’édito de Christophe Bonnefoy
On espère, très sincèrement, que Vincent Lambert, quoi qu’il arrive – encore – maintenant, n’aura jamais eu conscience, ne serait-ce qu’un infinitésimal instant, de la guerre qui a déchiré et déchire toujours des membres de sa famille. Si c’est le cas, il aura été prisonnier deux fois. D’abord de son corps, après le terrible accident qui l’a rendu tétraplégique il y a plus de dix ans. Puis de choix radicalement opposés, en particulier de la part de sa mère et de son épouse.
On peut comprendre la détresse de chacune d’elles. D’un côté, une maman. De l’autre, une femme qui voudrait voir partir paisiblement son époux qui, de surcroît selon elle, n’aurait jamais accepté la vie qu’il subit depuis son accident.
On aura surtout, tout au long des derniers mois et au-delà du légitime débat sur la fin de vie, assisté à un bien triste spectacle. La joute judiciaire aura engendré, d’abord une litanie de décisions, de rebondissements qui auront donné le sentiment que le droit avait pris le pas sur l’humain. Que dire, aussi, de ces cris de victoire, il y a quelques semaines, de la part d’un avocat qui avait visiblement oublié la décence pour glisser vers les hurlements d’un supporter. « On a gagné ! On a gagné ! » Gagné quoi exactement au final ?
Hier, le médecin de Vincent Lambert a une nouvelle fois engagé l’arrêt des soins. La veille, c’est devant l’ONU que la maman était allée porter sa détresse.
Demain, peut-être, ou après-demain – sans doute avant la fin de la semaine en tout cas -, si aucune décision judiciaire ne vient à nouveau nourrir le triste feuilleton, Vincent Lambert s’en ira, doucement. Et personne ne pourra, ne devra, crier victoire.