Présomptions – L’édito de Patrice Chabanet
L’affaire Abad constitue un véritable télescopage de points de vue, dont on ne sait pas s’ils feront jaillir la vérité. Face à face la parole de deux femmes d’un côté, la présomption d’innocence de l’autre. Les victimes présumées arguent du fait que pendant des années elles se sont heurtées à un mur invisible, celui du « pas de vague ». Une démonstration recevable, parce que crédible compte tenu du machisme ambiant, mais visiblement sans effet jusqu’à maintenant. De son côté, Damien Abad met en avant son lourd handicap pour démontrer qu’il lui était impossible physiquement de commettre un viol. Démonstration également recevable quand on observe l’homme en train de se déplacer. Bien malin, donc, qui peut savoir qui dit vrai, sauf à vouloir s’ériger en tribunal populaire. Sachant cela, les politiques ne se déchaînent pas encore. La peur sans doute que d’autres affaires remontent à la surface chez eux en pleine campagne des législatives. Le pouvoir et le sexe ont toujours eu des relations vieilles comme le monde.
Pour le nouveau gouvernement, il ne pouvait pas y avoir pire entrée en matière que cette affaire. Relégués, pendant quelques jours encore, les dossiers prioritaires que sont le pouvoir d’achat ou l’âge de la retraite. Avec cette musique de fond : « tous pourris ! ». Ne parlons pas de la situation de Damien Abad, qui vient d’être nommé ministre des Solidarités. Le soupçon lui colle désormais à la peau, et pour longtemps. La fameuse prise de guerre est en train de se transformer en boulet. Laissons maintenant à la Justice faire son travail. Ce sera long, mais on peut espérer qu’elle finira par purger une situation dont on dit souvent d’un air entendu : « c’était connu ». Oui, c’était connu mais qu’a-t-on fait ?