Préfet et Grand Langres : « soutenabilité » urticante
Première rencontre des élus du Pays de Langres pour le préfet, mardi 9 mai. Le président du Grand Langres Jacky Maugras a vanté le dynamisme de la collectivité, liste de projets à l’appui, et hausse de fiscalité associée. Anne Cornet s’est inquiétée de leur soutenabilité.
« On a acheté une balayeuse pour balayer les communes du Grand Langres ». Le président du Grand Langres Jacky Maugras, qui vient de rappeler au préfet Anne Cornet tout ce qu’il revient à la collectivité d’assurer, est allé chercher une illustration pragmatique. Le représentant de l’État réplique, espiègle : le « coup de balai » autour de la cité des remparts, elle ne « comprend pas ». Manière de pointer qu’elle sait que les élus sont contents de la recevoir. Recentrage sur les projets de l’interco’, nombreux… et coûteux. « Si l’on veut tous les réaliser, il faudra forcément augmenter la fiscalité ». Anne Cornet réagit, alarmée des effets sur « les communes infra ». C’est qu’aujourd’hui, l’érosion du pouvoir d’achat, « réelle ou ressentie » contraint à « prendre en compte une logique d’acceptabilité », bref, à « évaluer la soutenabilité par la population et par les communes ». Entendu, Mme le préfet, mais convenez qu’ « à peine 2 € de fiscalité en plus par mois… ». Au total : ce n’est pas la mer à boire. Sauf que le préfet insiste. « On a tous un devoir de dépense juste en matière d’argent public ». Or, les hausses de salaires ne sont pas prévues pour demain. Aussi, merci de dorloter la relation au contribuable, sensible aux dépenses illégitimes. « Le consentement à l’impôt fait partie intégrante de la citoyenneté ». Jacky Maugras paraît interloqué. « Pensez-vous que le prix de deux baguettes de pain en plus par mois est insoutenable ? ». Le préfet revient à son idée, par la face nord : le citoyen ne doit pas avoir le sentiment que l’administration dépense sans légitimité.
« Je ne voulais pas casser l’ambiance »
« On a perdu beaucoup de dotations -des recettes- depuis 2012 et on a de nouvelles dépenses… ». C’est le vice-président au développement économique Romary Didier qui monte au front, en soutien du président Maugras. A Val-de-Meuse, commune dont il est maire, il a fallu « malheureusement augmenter les taux », et « les élus ont même voté une baisse de leurs indemnités ». Passe encore sur ce dernier point, retenons plutôt que « chacun fait au mieux » dans sa collectivité. Anne Cornet entend. « Je ne voulais pas casser l’ambiance »… avant de marteler que sa volonté reste de « rappeler qu’il faut être en capacité d’expliquer » ses décisions. Le vice-président aux finances Dominique Thiebaud relaie son homologue. « La dernière fois qu’on a augmenté les impôts, c’était en 2014. On ne le fait pas de gaieté de cœur, mais les gens demandent aussi des services ». Oui, répond Anne Cornet… qui insiste. « Je voulais juste pointer que nous devons être solidaires ». Jacky Maugras se fait à son tour pugnace. « Quand on a des projets, les gens sont contents… et il se trouve qu’on a de plus en plus de compétences ».
Et l’heure de l’apprivoisement sonna
« C’est peu important, mais la courbe commence à s’inverser ». Or, retourner la tendance baissière de la démographie, c’est l’objectif de la réalisation des groupes scolaires de Neuilly-l’Évêque et de Langres. Le vice-président Étienne Perrot voit d’ailleurs un bon signe dans le « plein de travaux » actuel à Langres : si la Ville en engage, ses habitants aussi. Place aux techniciens pour défendre l’opportunité des deux établissements en projet. « Ça donne envie… »… mais le préfet s’inquiète des projections dont les élus disposent sur les effectifs scolaires. Malgré deux fermetures de classe prévues, Anne Cornet reste silencieuse. « Et vous avez des projets pour réutiliser les bâtiments ? ». Oui, dit Étienne Perrot. Même si la réflexion continue. « Et pour l’aire de covoiturage (à Rolampont), quelles sont les destinations des usagers ? ». Chaumont, surtout, et les usagers sont plutôt des étudiants. La discussion stoppe là, l’idée de projets qui pourraient être élaborés au doigt mouillé n’est cette fois pas instillée.
Finie, la phase pendant laquelle on s’est un peu chiffonné le nez ; le temps de l’apprivoisement mutuel va bientôt sonner. Et dès en rejoignant la maison de santé. Ni le préfet ni les élus ne bavardent avec les soignants qui ont déplié des banderoles en faveur de l’hôpital de Langres. Pourtant, la destination de l’impôt a une place centrale dans leurs slogans.
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr