Poussée de fièvre – L’édito de Patrice Chabanet
Le Covid se laisse difficilement prendre dans le filet des explications rationnelles. Telle vérité d’un jour est démentie le lendemain. Les meilleurs spécialistes s’écharpent sur le sujet. Les pays qui semblaient avoir le mieux combattu la pandémie doivent faire face à de nouvelles flambées. On le voit en Chine, en Australie ou en Nouvelle-Zélande. En France, la situation paraît sous contrôle, mais le nombre des contaminations est incompressible depuis quelques jours, même si les chiffres sont moins inquiétants que lors des vagues précédentes.
Ce qui, en revanche, ne souffre aucune contestation, c’est la grande souffrance des hôpitaux. L’information n’est pas nouvelle mais la réalité nous explose à la figure, une réalité qu’on n’a pas voulu voir depuis deux ou trois décennies : disparition de plus de 25 000 lits. Ironie de l’histoire : aujourd’hui, le manque de lits ne pose pas de problème. Apparemment. Une illusion d’optique provoquée par l’insuffisance des effectifs. Ils ont été essorés par la pandémie. Certains ont connu le burn-out. D’autres ont préféré carrément quitter leurs blouses de médecins, d’infirmières ou d’aides-soignantes. De fait, ils ont connu de près les dysfonctionnements du monde hospitalier. Ils l’ont vécu dans leur chair, dans les horaires interminables et dans le sacrifice de leur vie privée. Qu’ils partent ou qu’ils restent, ils expriment un mélange de profonde lassitude et de dégoût. Ce qu’ils entrevoyaient comme une vocation est devenu une galère dévalorisante, avec le sentiment que la logique comptable l’emportait sur toute autre considération.
Le Ségur de la santé a apporté un certain – et modeste – soulagement matériel, en termes de rémunérations et d’embauches, mais la crise de l’hôpital a pris une telle ampleur qu’elle appellera une réforme de fond. Ce ne sont pas des aspirines ou des sédatifs qui le guériront. Seul un traitement de fond le rendra plus attractif pour de nouvelles vocations. On en est encore loin.