Pourquoi le patron du Tour de France a choisi Colombey comme ville-arrivée le 6 juillet 2024 ?
Deux jours après l’officialisation du parcours 2024 de la Grande Boucle, à Paris, Christian Prudhomme, le patron du Tour de France, accompagné par son directeur adjoint, Pierre-Yves Thouault, a tenu à venir à Colombey-les-Deux-Eglises, vendredi 27 octobre. Emu, Christian Prudhomme est très fier d’inscrire le village haut-marnais sur la route du Tour de France, lors de la 8e étape, le 6 juillet prochain. L’arrivée à Colombey-les-Deux-Eglises s’annonce déjà mythique. Entretien avec le patron du Tour.
jhm quotidien : Que représente pour vous le village de Colombey-les-Deux-Eglises ?
Christian Prudhomme (directeur du Tour de France) : « C’est une commune de l’Histoire de la France. C’est évidemment le Général De Gaulle. Lorsque j’étais gamin, je me souviens d’être rentré de l’école un midi de novembre. Ma mère était devant la porte et elle pleurait. Je croyais que mon grand-père était mort et c’était le Général De Gaulle. Ma mère, qui a 95 ans, aurait aimé être avec moi aujourd’hui à Colombey. Dans notre famille, le Général De Gaulle, c’est quelqu’un d’immense. Le lien entre Colombey et le Tour de France remonte au mois de juillet 1960. Quand Nicolas Lacroix (président du Conseil départemental) nous a fait la proposition d’une arrivée à Colombey, je me suis dit “pourvu que l’on réussisse à le faire”, car inscrire Colombey sur la carte du Tour de France, c’est tout sauf anodin.
La Grande Boucle est la plus grande compétition cycliste au monde. Et c’est bien plus que ça. Les gens qui n’ont pas de mémoire me font toujours peur. Il y a quelques années, nous avions commis une “boulette”. Nous avions tracé une étape qui passait à cinq kilomètres de Colombey. J’avais dit à Pascal (Babouot), “mais qui sommes-nous pour mépriser le Général De Gaulle ?” Nous avions fait en sorte que le parcours passe par Colombey-les-Deux-Eglises. On avait du coup modifié le tracé.
En fréquentant Jean-Paul Ollivier depuis longtemps, j’ai eu la chance et le bonheur de commenter le Tour avec lui pour France Télévision. Jean-Paul en sait au moins autant sur cette course cycliste que sur le Général De Gaulle. Il y a un vrai bonheur et une fierté de venir à Colombey-les-Deux-Eglises. Le Tour de France, c’est pour moi des très grandes villes françaises et étrangères. On le voit avec le départ de Florence. Aller à l’étranger, c’est faire rayonner la France, à la condition absolue d’aller dans des petites communes. C’est un sacré symbole de faire une arrivée à Colombey pour la première fois de l’Histoire. »
jhm quotidien : Est-ce que choisir une si petite commune comme arrivée constitue un défi au niveau logistique ?
C. P. : « Oui, bien sûr, pour un si petit village. Stéphane Boury, qui est notre patron des lignes d’arrivée, était au moins aussi motivé que nous. Nous sommes “gros” et il faut qu’on puisse s’installer. J’ai le Tour en moi, car c’est une épreuve qui rassemble, qui fédère. Colombey-les-Deux-Eglises est un immense symbole sur la route du Tour. »
jhm quotidien : Le Tour de France et l’Histoire sont liés, à l’image de la dernière édition, avec le grand retour du Puy-de-Dôme…
C. P. : « Bien sûr, mais avec aussi le parcours des anciens Tour de France, notamment pour le centenaire de la Première Guerre Mondiale, où on avait passé huit jours sur la ligne de front. En 2015, nous avions tracé une étape d’Arras à Amiens. D’un point de vue sportif, la question était est-ce qu’Arnaud Démarre, le Picard, va gagner chez lui ? En fait, nous étions passés devant une dizaine de cimetières australiens et néo-zélandais. On avait donné de la fierté à des gens qui étaient venus voir le Tour. On est tout petit à côté de la stature du Général. »
« Cette arrivée sera extraordinaire »
jhm quotidien : D’un point de vue sportif, cette 8e étape est-elle promise à des puncheurs ?
C. P. : « Le début d’étape sera rythmée par des côtes. Le final est fait pour les équipes de sprinteurs, sans aucun doute. L’arrivée aura une lecture évidemment internationale, grâce au Général De Gaulle et par le lieu de l’arrivée à Colombey. Marc Madiot (manager général de la Groupama-FDJ), grand nom du vélo, m’a envoyé un message en écrivant que cette arrivée sera extraordinaire. Colombey-les-Deux-Eglises va marquer les gens de la “petite reine”. »
jhm quotidien : On sait que le parcours final va passer par Chaumont. Est-ce que le tracé cette 8e étape est complètement finalisé ?
C. P. : « Le parcours doit passer en Préfecture et cela sera vue avec Thierry Gouvenou (directeur de l’épreuve). A partir du moment où Nicolas (Lacroix) a mis dans ma tête Colombey, ça veut dire que pour nous c’est tout le tracé des jours précédents qui remonte en direction de Colombey. Dans la construction du parcours, il y a un PPO (point de passage obligatoire) Colombey-les-Deux-Eglises. Le week-end sera formidable, avec les chemins blancs autour de Troyes le lendemain. Cette étape à Colombey-les-Deux-Eglises nous permet de donner encore plus de fierté évidemment à tous les habitants de la Haute-Marne, mais aussi à tous les Français. On va mettre en avant notre histoire commune. C’est essentiel pour moi. »
jhm quotidien : En quoi cette édition 2024 va être plus particulière que les autres à vos yeux ?
C. P. : « Cette édition va être particulière car déjà, on ne va pas arriver à Paris. C’est la première fois depuis 1903. Le départ va être donné d’Italie. Il s’agit également d’une première. Ce Tour va comporter des références. On va beaucoup y penser d’ici au 6 juillet et à cette étape de Colombey. C’est une évidence. »
jhm quotidien : Un petit mot sur la 9e étape qui flirtera, le lendemain, avec les limites de la Haute-Marne, avec plus de trente kilomètres de chemins blancs au menu des coureurs. Cela promet un beau spectacle…
C. P. : « Oui, sans aucun doute. C’est pour cela que le week-end sera vraiment magnifique. On travaille sur ces chemins blancs depuis quasiment dix ans. On les avait mis au parcours de Paris-Nice en 2016, puis ensuite les chemins de vigne sur Paris-Tours, en réinventant la classique. Pour le Tour 2019 autour d’Epernay, on a voulu tester les chemins blancs, mais les équipes de Thierry Gouvenou, notre patron des compétitions, nous ont dit que ce n’était pas possible. Nous les avons eus en 2022 sur le Tour de France féminin. La version féminine a joué un rôle de précurseur. Cela va être sportif et esthétique. »
jhm quotidien : Lors de la présentation officielle, mercredi 25 octobre, au Palais des Congrès à Paris, Jonas Vingegaard, le vainqueur sortant, a déclaré qu’il fallait être bon partout sur cette édition 2024. Etes-vous d’accord avec lui ?
C. P. : « On ne peut pas gagner le Tour si on n’est pas bon partout. Sur un certain nombre d’étapes, le vent va pouvoir jouer un grand rôle. Du coup, les managers d’équipes vont être obligés de choisir et de doser la qualité des équipiers. Est-ce qu’on rajoute un grimpeur pour être là au sommet du Galibier et à la cime de La Bonette ou est-ce qu’il faut un costaud, un coureur de la plaine qui va être capable d’accompagner, de protéger son leader là où il y aura du vent ? Ils vont devoir faire un choix, mais ils ne sauront qu’au moment des étapes si le choix a été payant. Cela nous arrive aussi dans nos vies aux uns et aux autres. Cette incertitude va mettre un peu de sel. »
Propos recueillis par Romain Randoing
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