Potion amère – L’édito de Patrice Chabanet
La réforme de l’assurance-chômage tient du remède de cheval. Comment pourrait-il en être autrement avec l’objectif assigné par le gouvernement ? Economiser 3,4 milliards d’euros sur trois ans. Les mesures annoncées hier par le Premier ministre donnent la tonalité du traitement : net durcissement des conditions d’accès aux allocations-chômage, impossibilité de disposer d’une indemnisation supérieure à ses derniers revenus, dégressivité des indemnités les plus élevées, mise en place d’un système bonus-malus pour inciter les entreprises, dans certains secteurs, à ne pas enchaîner les CDD.
Le projet gouvernemental a été mal accueilli par les partenaires sociaux, ce que l’on prévoyait. D’une certaine manière, il sanctionne leur absence de consensus, ce qui aurait été l’idéal. Mais, en France, à la différence de l’Allemagne et des pays nordiques, l’Etat doit mettre sa grosse patte pour faire avancer les dossiers les plus délicats. L’hostilité la plus marquée est venue des syndicats, tous unanimes pour condamner le dispositif gouvernemental. Même la CFDT, qui n’a pas la réputation d’alimenter un syndicalisme d’opposition systématique, a rejeté la réforme. Du côté patronal, la critique a été plus feutrée, se concentrant sur le bonus-malus. Cette opposition sans concession, d’un côté, et cette hostilité plus mesurée, de l’autre, fera dire à nouveau que, décidément, l’exécutif penche plutôt à droite.
Visiblement, le volontarisme qui s’exprime dans cette réforme procède d’un pari : que cette dernière ne fera pas descendre des centaines de milliers de contestataires dans la rue. Les syndicats ont perdu leur pouvoir de mobilisation, comme on l’a vu avec la réforme de la SNCF et du code du Travail. Quant aux partis politiques d’opposition – mis à part le RN – ils en sont à retrouver leurs esprits après de dures défaites électorales. L’électeur moyen, lui, va regarder les chiffres : le reformatage de l’assurance-chômage devrait permettre de réduire de 150 000 à 250 000 le nombre de demandeurs d’emploi. Là, il ne s’agit plus d’extrapolation mais de la réalité du terrain. Va-t-elle valider cette réforme ?