Plus qu’un procès – l’édito de Patrice Chabanet
Il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître : le procès d’Eric Dupond-Moretti prend une dimension extra-judiciaire. Du grand spectacle. Voir le plus grand avocat de France, devenu garde des Sceaux, au banc des accusés n’a rien de banal. Un rôle de composition d’une certaine manière. On devine que l’homme a mitonné sa plaidoirie tout au long de la procédure. Ses arguments et contre-arguments seront cassants, violents tant il a dû serrer les dents pendant l’instruction. Le procès atteindra sans doute un sommet lorsque viendra témoigner contre lui l’ancien procureur général près la Cour de cassation, François Mollins. Deux caractères opposés, mais déterminés. L’énergie absolue contre l’implacable lecture du droit.
Il n’en demeure pas moins vrai que la question de fond demeure celle des limites de compétence censées faire barrage aux conflits d’intérêts. Pour corser le tout, il y a l’alchimie des rapports humains. Tout ce beau monde se connaît, et se déteste parfois. Sans parler de cette configuration surréaliste qui montre des magistrats juger leur “chef”. Les spécialistes du droit constitutionnel doivent se frotter les mains : ils pourront enrichir le chapitre consacré à la Cour de justice de la République. Les simples citoyens, eux, y verront un démenti à un autre jugement, celui de La Fontaine. « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir », écrivait-il. Les temps ont changé, même si en l’occurrence il s’agit d’abord d’un affrontement entre puissants.