Plus que Française – l’édito de Patrice Chabanet
En religion on dirait qu’elle avait la foi de la convertie. Sa nouvelle religion, c’était la langue française qu’elle a apprise après le russe. Ce n’est d’ailleurs qu’en 1950 qu’Hélène Carrère d’Encausse a acquis la nationalité française. Parcours incroyable qui la mènera jusqu’au secrétariat perpétuel de l’Académie.
Jusqu’à son dernier souffle, elle défendra bec et ongles la langue de Molière. Elle refusait la féminisation des fonctions. Pas question de l’appeler Madame la « Secrétaire perpétuelle ». Elle tenait au titre de « Secrétaire perpétuel ». Même hostilité contre l’écriture inclusive, considérée implicitement, et à juste titre, comme une démolition de notre patrimoine culturel.
C’est aussi, et surtout, sa connaissance de la civilisation russe qui l’a rendue célèbre. Son livre L’Empire éclaté, publié en 1978, était prémonitoire, douze ans avant l’effondrement de l’URSS et du bloc soviétique. On lui a reproché une certaine mansuétude à l’égard de Poutine. Elle n’a pas cru en effet jusqu’au dernier moment à l’agression russe contre l’Ukraine. Ces derniers mois, elle s’était ravisée en condamnant le maître du Kremlin. Elle s’était sentie trahie après de nombreuses rencontres empreintes de cordialité.
N’empêche, Hélène Carrère d’Encausse reste une grande dame, totalement dévouée à la défense de la langue française, sans renier ses origines. Son rêve, sans doute, était d’établir à travers sa personne un pont entre deux grandes cultures, la française et la russe. La guerre en Ukraine l’a sérieusement ébranlé.