Plus que de la méfiance – L’édito de Patrice Chabanet
Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. Le vaccin AstraZeneca n’en finit pas de s’engluer dans une kyrielle de polémiques. Dangereux ou pas ? Toutes les études scientifiques démontrent sa fiabilité. Très peu d’accidents. Un décès pour un million d’administrations. Mais dans une période où l’opinion publique est hypersensibilisée par tout ce qui concerne les dysfonctionnements sanitaires, tout incident fait l’objet d’un effet loupe. Les suspensions, même les plus courtes, transforment le doute en méfiance, ou carrément en défiance. Ce ne sont pas les mesures prises par certains gouvernements qui vont rassurer les candidats éligibles à la vaccination. Ainsi le Danemark a annoncé hier qu’il renonçait définitivement à l’AstraZeneca. Fermez le ban.
Autre vaccin classique à être chahuté dès sa mise sur le marché : Johnson & Johnson. Les autorités américaines l’ont suspendu pour plusieurs jours en raison de l’apparition de caillots sanguins après injection. Là encore la fréquence des incidents graves a beau être infinitésimale, la peur d’être l’une des rares victimes est bien réelle. Elle met en échec tout discours sur la rationalité.
Au fil des avatars d’AstraZeneca et de Johnson & Johnson, s’affirme la domination de la technologie ARN messager. C’est une double victoire pour Pfizer et Moderna. Victoire scientifique qui ouvre de vastes perspectives dans la lutte contre de nombreuses maladies. Une découverte majeure en ce début de XXIe siècle. Victoire commerciale aussi : les grands laboratoires ne fonctionnent pas sur le mode philanthropique. Ils sont là pour gagner de l’argent. La mise à l’écart ou l’élimination de deux concurrents ne peut que renforcer leurs positions, c’est-à-dire leurs parts de marché. Des considérations bassement terrestres eu égard au défi, la santé de l’espèce humaine, sans doute. L’essentiel est que les produits soient efficaces et acceptés tant par les soignants que par le commun des mortels. Il est tellement affligeant de voir des vaccins jetés faute de candidats.