Plantu sur les traces de la laïcité à Louise-Michel
Avoir rencontré Plantu restera, on l’imagine aisément, dans les mémoires des collégiens et des enseignants du collège Louise-Michel. A l’invitation de l’établissement et de Céline Anché, professeure d’histoire et géographie, le dessinateur avait, avant de rencontrer un aréopage impatient, un rendez-vous plus retreint. Dans la salle du CDI, les dessins des 4e s’exposaient. Réalisés sous la tutelle de la professeure d’arts plastiques, les croquis devaient traiter du principe de laïcité.
Plantu a pris très au sérieux l’exercice, archivant en photos les œuvres qui lui semblaient poser les questions les plus vives et dont il a débattu ensuite lors de sa conférence. Pour autant, lors de ses échanges avec les enseignants, en préambule du grand rendez-vous avec les élèves, Plantu s’est voulu grave. Il évoqué une réalité crue, sans fard. « Les courriels, les réseaux sociaux, permettent des interpellations directes, sans recul, souvent sous le coup de la colère. C’est l’exact inverse du dessin de presse qui est posé, pesé, réfléchi. Il existe une sorte de trilogie infernale, composée des réseaux sociaux, des chaînes d’info en continue et des rageux à qui on donne toujours préférentiellement la parole.»
Une approche qui n’épargne pas les médias, dont Plantu fut et dont il reconnaît qu’ils font les frais d’une image très dégradée dans la population. Impression un peu oppressante qui l’a ramené au sujet du moment. « La laïcité nous permet de nous parler, d’écouter les opinions de chacun. Elle est aussi cette source de mise à distance des croyances qui nous autorise le second degré, cette capacité à apprécier une caricature pour ce qu’elle est, un dessin pour ce qu’il dit et pas ce qu’on voudrait lui faire dire » a commenté Plantu.
Laïcité qui fait face
Parmi les dessins présentés, l’un deux l’a interpellé : un ado lisant une ligne de calcul au tableau et s’insurgeant de la présence d’une croix qu’il percevait dans le « + » de l’équation, assénant même « je vais le dire à mes parents ! »
Cette attitude immédiatement sur la défensive, qui se voit parfois dans les établissements et que regrette le dessinateur pour qui le dialogue, l’écoute et la bienveillance sont les bases même de la relation à autrui. La découverte de la fresque déployée au foyer des élèves eut tôt fait de gommer cette contrariété. Là, sur un très grand format, des collégiens ont décoré un visage de Marianne, un peu préoccupée mais faisant face. Allégorie revigorante que le dessinateur a tenu à partager avec les deux autrices, par une sorte de parrainage prestigieux.
Plantu est un artiste toujours au travail : tout le saisit, l’intéresse et le nourrit.
Personne ne se sent petit auprès d’un si grand dessinateur.
Renaud Busenhard