Piètre image – L’édito de Patrice Chabanet
Peu ou prou, l’Europe est toujours en crise. C’est même son mode de fonctionnement. Comment pourrait-il en être autrement dans une famille de 28 membres, bientôt 27 avec le départ du Royaume-Uni ? Mais cette fois-ci, le désaccord ne porte pas sur un projet spécifique, mais sur la gouvernance de l’Union européenne. Il s’agit de renouveler ceux qui font marcher la boutique : le président de la Commission, le président du Conseil, le président du Parlement, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et le président de la Banque centrale (BCE). Jusqu’à présent, ces nominations ne passaient pas toujours comme une lettre à la poste, mais la composition politique du Parlement induisait une certaine logique : le président de la Commission sortait des rangs du bloc majoritaire , à savoir la droite ou les sociaux-démocrates. Mais les élections de mai dernier ont chamboulé cette belle mécanique. Les deux partis qui faisaient la loi à Strasbourg ont laissé des plumes. Et la tradition qui voulait que le président de la Commission représente le parti qui a gagné est remise en cause. Bref, un imbroglio peu compréhensible pour la masse des citoyens lambda. Les dirigeants européens eux-mêmes n’en finissent pas de se rencontrer pour finaliser ces cinq nominations. Ce n’est plus l’Europe, mais le Vatican en train d’élire le pape.
On peut déjà tirer quelques enseignements de cette crise. Le premier est qu’Angela Merkel est affaiblie et n’arrive plus à s’imposer dans son propre camp. Le second est qu’Emmanuel Macron ne parvient pas à prendre le leadership de l’Union européenne, comme c’était visiblement son ambition dès son élection en 2017. Le troisième est paradoxalement plus positif : les difficultés actuelles révèlent de sérieuses dissensions nées souvent de la volonté des Etats-membres de défendre leurs propres intérêts, mais pas de quitter la famille comme le font les Britanniques. Un assemblage un peu baroque : l’union dans la désunion.