Philippe UG : « Dans le pop-up, c’est le mouvement qui est en jeu »
L’évènement national Partir en livre, consacré à la littérature jeunesse continue de se décliner dans la cité des remparts. Samedi 9 juillet, une quinzaine de participants… dont une poignée d’adultes a bénéficié d’un cours de pop-up animé par le fort capé Philppe UG, auteur de nombreux de ces ouvrages au potentiel surgissant.
« Des fois, il y a des angles qui libèrent mal la diagonale… ». Au beau milieu du square de la place Jeanne Mance, ce samedi 9 juillet, Philippe UG entend apprendre à éteindre le désarroi des participants confrontés à imbriquer des parallélépipèdes en papier. Ce n’est qu’après être parvenus à les plier qu’ils pourront les glisser dans un livre, en espérant qu’ils surgissent au moment où le lecteur y atterrira. Scène hors du temps à l’abri du kiosque, et les enfants et les adultes qui se frottent en plein air à l’apprentissage de la réalisation de pop-up paraissent au demeurant tout à fait en dehors de la vie quotidienne… à laquelle on trouve soudain des manières bien brutales. Scène récurrente, pourtant, même si la singularité du genre pop-up accentue l’impression du tableau. « Notre installation l’été dans le square est une tradition », et la responsable de la médiathèque René Goscinny Pascaline Mordin souligne précisément qu’elle correspond à l’intention de « sortir les livres de leurs étagères ». De la même manière qu’elle rappelle que les livres jeunesse vont aussi aux adultes, les « tricots lectures » qu’elle organise avec Marianne puisent ainsi dans ce registre. La porosité de la frontière entre les petits les grands n’échappe d’ailleurs plus à grand monde pendant cette manifestation Parti en livre. Elle provoque naturellement « un point de convergence entre les générations ». Pascaline s’est réjouie que le rendez-vous national ait cette année mordu sur le temps scolaire, au lieu de couvrir la seule période des vacances.
Un être « deux en un »
Qui n’a jamais pesté après les pop-up ? Mais si… imaginez-vous devant votre ordinateur, à lanterner sur un site web. Les pop-up sont ces fenêtres qui surgissent par-dessus la page que vous consultez, sans que vous les ayez commandées. Très généralement, elles ont une visée publicitaire. Et campent le temps que vous trouviez la croix sur laquelle cliquer pour les refermer. Le principe du surgissement vaut pour les livres et il y en a donc qui sont faits exclusivement de ces explosions d’architectures de papier. Philippe UG en a tant réalisé qu’il les compte à la louche : « une vingtaine ». Il convient qu’il lui faut faire montre de deux types de compétences : créativité et technicité. « Habituellement, il y a plusieurs personnes » derrière un pop-up. C’est sans compter que l’auteur présente « une contradiction de personnalités ». En ayant « un côté très vectoriel pour des productions industrialisées » alors qu’ « au départ », il était « plutôt un artiste ». Rien de magique dans la conjugaison, poursuit-il, c’est « le pouvoir de l’expérience » qui a produit ses effets chez l’ancien ingénieur papier ayant « même été chez Larousse pour y faire de la technique pop-up ». Alors, si, un matin, le Deux en un a le réveil difficile, il choisira de se pencher sur des plans plutôt que de chauffer son imagination.
« Un vieux du pop-up… et un jeune auteur jeunesse »
« J’ai été un des premiers auteurs à faire du pop-up en France, du pop-up d’art, ou pour des décors de théâtre… Mes livres étaient en outre plutôt pour adultes, de sorte que je suis un vieux du pop-up, mais un jeune auteur jeunesse ». Sachant qu’entre les enfants et les adultes, Philippe UG « ne fait pas trop la distinction ». Les deux catégories lui semblent « un peu plus mélangées » -et de glisser que son éditeur s’appelle… Les grandes personnes. À ses yeux en effet, « on travaille d’abord pour soi ». Et ça consiste en premier à « raconter ». Philippe s’y colle depuis sa bibliothèque… cerné de pop-up, dont il est un collectionneur patenté, et « autant d’exemplaires interdits aux enfants » que d’exemplaires qui leur sont dédiés. Le genre ne date pas d’hier, souligne-t’il, il a même quelques siècles dans les jambes. Au Moyen-Âge, avec le calcul de la courbe des astres, les livres animés ont aussi été faits de planches d’anatomie. Philippe UG opte d’ailleurs plus volontiers pour l’appellation « livres animés ». Ainsi, on croit abusivement que le pop-up est systématiquement surprenant. « Or, il y a des pop-up… qui ne le sont pas ». C’est bien davantage « le mouvement » qui est en jeu. « Dans des livres anciens, au graphisme désuet, le mouvement fait toujours mouche ». Et si les enfants relisent ces livres-là, c’est qu’ils se sentent « agissants avec le mouvement ». À la différence du propriétaire d’un tableau, qui, « une semaine après l’avoir accroché au mur, ne le regarde plus ».
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr