Permis à 17 ans : les auto-écoles ne mettent pas le frein à main
Depuis le 2 janvier, il est possible d’obtenir son permis et de conduire une automobile, seul, dès l’âge de 17 ans. Un changement globalement bien vu par les professionnels du secteur qui ont déjà constaté un engouement des jeunes concernés.
En juin 2023, la Première ministre Élisabeth Borne annonçait la possibilité pour les jeunes d’obtenir le permis de conduire à l’âge de 17 ans. Une déclaration qui mitigeait les professionnels du secteur. JHM quotidien avait interrogé Hassan Ait Said, gérant de l’auto-école CER Saint-Ex. « Pour certains élèves qui ont suivi la conduite accompagnée, on est pour, puisqu’ils auront déjà conduit avec leurs parents ou leur accompagnateur pendant minimum un an », expliquait-il à l’époque. Avec une dose de nuance pour ceux passant par le cursus traditionnel : « À moins qu’ils soient très matures, on a peur que la prise de risque soit plus grande. On s’inquiète de l’effet de groupe, que certains jeunes prennent au pied de la lettre la phrase “t’es pas cap” pour ne pas se dégonfler, amenant par la suite des accidents plus importants. »
Positif
Depuis mardi 2 janvier, la nouvelle réglementation est en vigueur. « Après la première annonce, il y a eu une longue période de silence. Nous avions beaucoup de questions à ce sujet », se souvient Amandine Hincelin, gérante de l’auto-école Bragarde. Comme elle l’explique, la mesure a surtout eu pour effet de « libérer » les conducteurs qui avaient déjà réussi leur examen : « Il y a une fille de 17 ans par exemple, qui a réussi son examen de conduite au mois de novembre. Mais elle devait attendre d’avoir ses 18 ans pour recevoir son permis et rouler librement. » Les jeunes dans ce même cas peuvent donc prendre le volant en toute légalité, après avoir eu l’accord de leur assurance, « c’est obligatoire pour circuler », rappelle sa collègue.
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Pour Annie Buisson, gérante de l’auto-école éponyme et dans la profession depuis plus de 40 ans, ce n’est qu’une évolution de plus. Sa première réaction est identique au gérant de l’auto-école CER Saint-Ex six mois plus tôt : « Il y a toujours des évolutions. C’est bien pour tous ceux qui ont passé la conduite accompagnée », estime-t-elle.
Intérêt
La professionnelle de la route attend toutefois de voir s’il n’y aura pas un abandon de la conduite accompagnée, potentiellement moins intéressante avec l’avancée de l’âge. Son auto-école qui compte en moyenne 30 inscriptions par mois, en a recensés « quinze en quatre jours, dont neuf pour passer le permis directement à 17 ans ». A l’auto-école Bragarde aussi, « nous avons déjà eu des inscriptions ». L’un d’eux va même passer son examen de conduite la semaine prochaine, à 17 ans donc.
A l’auto-école Annie Buisson, on observe « une motivation supérieure » des jeunes de 17 ans à ceux de 18. L’avancement de l’âge évite de cumuler le stress du bac ou des études dans une même période. « C’est surtout très utile aux apprentis », ajoute la gérante, prenant l’exemple de ses deux petits-fils : « Ils sont heureux de savoir qu’ils pourront dès septembre 2024 se rendre au travail bien au chaud dans leur voiture après l’obtention de leur examen. » Amandine Hincelin évoque la levée potentielle d’un frein à la mobilité, notamment dans la poursuite des études supérieures (hors la ville) : « Nous sommes dans un territoire rural où la voiture est clairement indispensable. »
Si une hausse d’activité est attendue, les auto-écoles sont déjà prêtes pour appuyer sur le champignon.
Louis Vanthournout
La maturité, un faux débat
« La maturité, c’est un chemin de vie. Elle n’est pas liée à un âge », tempère Amandine Hincelin. La gérante de l’auto-école Bragarde rappelle qu’il y a « une continuité éducative » avant de prendre le volant seul à 17 ans : « A 14 ans, on peut rouler en scooter ou à bord d’une voiture sans permis. Sinon, il faut valider l’ASSR1, l’ASSR2. Il y a ensuite la conduite accompagnée à 15 ans, les 3 000 km à parcourir au minimum à l’année, le code à obtenir avant de passer l’examen de conduite…» Autrement dit, l’obtention du permis de conduire se mérite.
Annie Buisson va dans le même sens que sa consœur : « On s’inquiétait aussi à l’époque pour la conduite accompagnée à 15 ans, et au final…» Tout en ajoutant que des professionnels sont là pour s’assurer que le candidat a les capacités requises, « On n’emmène pas quelqu’un au permis s’il n’est pas prêt ». Et de conclure : « On peut être un conducteur mature à 17 ans et immature à 25 ans ».
Des bouchons pour les examens ?
Six mois plus tôt, le gérant de l’auto-école CER Saint-Ex s’inquiétait des bouchons potentiels à venir pour les examens avec un nombre plus important de candidat : « Il y a certains endroits où ils manquent des inspecteurs et où les délais sont très importants. Comment ça se passera en 2024, quand on ramènera plusieurs centaines de milliers d’élèves qui devaient passer en 2025 ? »
Des doutes partagés par les professionnelles interrogées : « Nous sommes bon élève en Haute-Marne, mais il y aura peut-être une période d’embouteillage », pense la première. « Depuis de longs mois, nous sommes passés sur un portail numérique de réservation de nos places d’examen. Le système en place est déjà vite saturé, la digitalisation a ses limites », constate la seconde nommée. Avec une crainte qui revient pour toute l’équipe de l’auto-école : « Nous espérons que l’ouverture du permis aux jeunes de 17 ans n’est pas une stratégie pour saturer un peu plus nos centres d’examen afin d’ouvrir les portes aux centres privés de passage d’examen de conduite. » Les premières réponses arriveront rapidement.
