Percer la muraille – L’édito de Christophe Bonnefoy
La photo est belle. Et d’une certaine façon rassurante. Des Européens qui s’aiment, qui avancent unis, main dans la main et parlent d’une même voix. C’est tellement rare… Jean-Claude Juncker, Emmanuel Macron et Angela Merkel, hier sur le perron de l’Elysée, ont voulu donner cette image au Président Xi Jinping. Celle d’un continent prêt à s’ouvrir encore plus largement au mastondonte chinois. Mais qui exige, en des termes policés, évidemment, une réciprocité certaine.
L’Europe aimerait pouvoir percer la muraille. Tout juste peut-elle espérer la fissurer. Et encore. Le Président chinois est très largement en position de force. D’abord parce qu’il a déjà réussi à mettre dans sa poche certains pays européens, tout heureux de voir affluer les milliards d’euros de la puissance économique asiatique. Difficile, ainsi, d’adopter chez les 27 un discours unique. Ceux qui ont d’ores et déjà succombé aux sirènes chinoises n’auront à coup sûr pas l’envie de fâcher ce partenaire de poids. Ensuite, et c’est lié, parce que Pékin possède aujourd’hui une puissance de feu qui l’autorise à imposer, plutôt qu’à négocier. Même si Xi Jinping a tout intérêt à nouer des partenariats européens pour contrer le concurrent américain, c’est bien lui qui possède face à Emmanuel Macron ou Angela Merkel les atouts d’un jeu a priori déséquilibré.
Mais en tout état de cause, les trois dirigeants européens, s’ils veulent pouvoir peser dans les échanges avec la Chine, devaient passer par ce symbole d’unité. Un simple symbole pour le moment, mais qui pourrait avoir son importance à l’avenir. Inutile d’espérer infléchir les positions de Pékin lorsqu’on est la France, seule, ou même l’Allemagne. En revanche, quand on fait en sorte de pouvoir opposer une résistance à l’échelle d’un continent, on peut, là, commencer à rêver.