Paul Detourbet : la musique du pinceau

Saints-Geosmes 1996. Au terme d’un parcours professionnel hors du commun, Paul Detourbet s’en revient parmi les siens. Aujourd’hui, à 86 ans, il s’active encore avec une belle énergie à l’entretien de sa propriété et quand vient l’hiver, il peint.

Juin 1940. Installés dans la charrette tirée par les chevaux de la ferme, les Detourbet fuient : « J’étais trop jeune pour comprendre, je n’avais pas peur. Les Allemands nous ont rattrapés à Recey-sur-Ource et nous ont demandés de faire demi-tour. Durant l’occupation, je me suis blessé au doigt, les occupants m’ont conduit à l’hôpital, j’ai évité l’amputation. »

Autodidacte dans l’âme, le système scolaire traditionnel l’inspire peu… Paul entre au séminaire puis se réoriente vers l’armée de l’air : « J’ai fait mes classes à Nîmes avant de prendre mes fonctions de surveillant radar sur le Mont Sevance (Haute-Saône). Durant l’hiver 56, nous avons été coupés du monde. »

Au terme de son contrat, le passionné d’électronique rejoint Paris et les Avions M. Dassault. Quatre ans plus tard, l’oiseau s’envole pour l’Italie au bord du lac Majeur où il intègre le centre de recherche nucléaire des Communautés européennes. Début des années 70, il est détaché au centre de Grenoble pendant dix ans, pour les mêmes activités. Il termine sa carrière à Euratom au Luxembourg où l’inspecteur s’en va de par l’Europe, vérifier les volumes d’uranium ou de plutonium.

Les Detourbet naissent à Saints-Geosmes. Les Detourbet meurent à Saints-Geosmes…. En 1996, à l’heure de la retraite, Paul et son épouse aménagent dans leur maison nichée dans la verdure, rue de la Fontaine aux Malades.

Paul peint

Paul, n’est encore qu’un enfant que déjà, il s’essaie à la peinture : « A l’époque tout est bien trop cher, je limite mes achats aux trois tubes de couleurs primaires achetés chez Valette à Langres. J’installe mon chevalet dans un coin de nature, je reproduis ce qui m’inspire. »

Quelques décennies plus tard, l’inspecteur en mission emporte dans ses bagages un kit d’aquarelles. Dans un hôtel italien ou allemand, il reproduit des prospectus d’une compagnie aérienne ou des cartes postales.

A l’heure de la retraite, inspiré par les impressionnistes comme Renoir, sa référence, Paul peint : « Je ne peins que de la Toussaint à Pâques. Je peins en écoutant France Musique. Je peins l’Homme dans ses activités, les enfants en mouvement et la femme, la plus belle fleur de la planète que l’aquarelle sublime dans sa douceur et dans ses fondus. A l’instar du chercheur d’or, je peins en espérant réaliser un chef-d’œuvre. »

Début des années 2000, Paul fréquente l’école de dessin d’Olivier Taffin puis rejoint le groupe de Chantal Monier, aquarelliste de talent, à Aprey. Avec le GAL (Groupe artistique langrois), il expose une fois l’an à la salle Jean-Fabvre : « Je me régale de ces émotions qui brillent dans les yeux des visiteurs. Je ne revendique pas le statut d’artiste mais ne dit-on pas que ce n’est pas la destination qui compte, mais le chemin. »

Le fringant octogénaire joue du clavier et chante dans les chorales : « Mon père était chantre et ma mère jouait de l’harmonium… Dans la famille, la musique est incontournable depuis toujours. Aujourd’hui, plus que jamais, la musique se fait exutoire depuis que Cécile, mon épouse bien aimée, s’en est allée en février. »

De notre correspondant Serge Borne