Paul Daum, maître verrier, aviateur et résistant
Le nom Daum est universellement connu des amateurs d’Art nouveau et d’Art déco. Mais sait-on que derrière l’industriel nancéien, qui avait de la famille à Chaumont, se cachaient un aviateur émérite et un patriote que l’appartenance à la Résistance a conduit à la mort en déportation ? C’est ce que nous dévoile l’historien lorrain Patrick-Charles Renaud.
Titulaire de plusieurs Prix d’histoire obtenus entre 1993 et 2014, le Lorrain Patrick-Charles Renaud est bien connu des amateurs d’histoire militaire par ses nombreux ouvrages consacrés à la guerre d’Algérie ou à la Première Guerre mondiale. Mais l’auteur nancéien voue également une grande passion pour l’univers de la verrerie, en digne fils et petit-fils de salariés de la manufacture Daum. Et après deux ouvrages parus en 2009 et 2012 qui étaient consacrés à la prestigieuse société, il propose aujourd’hui, aux éditions Gérard-Louis, une biographie fort documentée et richement illustrée de Paul Daum. « Un personnage hors du commun, qui cumula tous les talents dont celui de maître verrier », explique l’auteur, présent début septembre au Salon du livre de Nancy.
« Plus compliqué »
Hors du commun, mais « oublié » dans cette ville, ajoute celui qui a baigné dans l’univers de la verrerie depuis son enfance. « L’on parle beaucoup des Frères Daum qui ont dirigé la manufacture à La Belle époque, ils ont connu le succès avec le style Art nouveau, commente l’historien. Ce fut beaucoup plus compliqué pour Paul Daum qui a dû se battre entre les deux guerres », et qui a été confronté aux « crises économiques et sociales des années 1930 ».
Chef d’escadrille
Né en 1888 à Nancy, Paul Daum a rejoint en 1911 la manufacture familiale, auréolée d’un grand prix obtenu à l’Exposition universelle en 1900. Mais la guerre allait détourner pendant quatre ans le jeune ingénieur chimiste de cette activité industrielle. Mobilisé en 1914 comme officier d’artillerie, Daum a rejoint rapidement la nouvelle arme de l’aviation, d’abord comme observateur, puis comme pilote, enfin comme chef d’escadrille, où il eut notamment sous ses ordres deux Haut-Marnais : les maréchaux des logis Robert Deullin, de Saint-Dizier, et Albert Sulter, de Chaumont. Paul Daum devait terminer le conflit avec le grade de capitaine et la Légion d’honneur. Puis il est revenu à Nancy.
Fils et neveu des célèbres « Frères Daum », « Paul Daum a dirigé la Verrerie d’art à laquelle il a fait prendre le virage Art déco », explique l’auteur.
Griffes de la police allemande
Conseiller municipal à Nancy, président de la Fédération des chambres syndicales de l’industrie du verre, Paul Daum, qui fut aussi vice-président de l’Aéro-club de l’Est, a de nouveau été mobilisé en 1939 dans l’armée de l’air. Ayant échappé à la capture, celui qui s’était installé à Paris s’est engagé, très tôt, dans la Résistance. Le patriote lorrain appartenait au réseau de renseignement du capitaine Georges Lapouge, alias Roy, dès 1941. Il a été arrêté le 24 février 1943 par la police allemande, emprisonné à Fresnes puis déporté en décembre 1943 en Allemagne. Paul Daum est décédé au camp de Neue Bremm, près de Sarrebrück, le 19 février 1944, à l’âge de 55 ans. « Il fut fait commandeur de la Légion d’honneur et élevé au grade de général d’aviation à titre posthume », précise Patrick-Charles Renaud, qui rappelle également, à l’intention des Haut-Marnais, les liens que ce patriote entretenait avec ce département, notamment Chaumont.
Maître verrier
Sa cousine, Gaby Daum, a en effet vu le jour en 1889 dans cette ville où l’oncle Charles s’est marié avec Adèle-Anne Cornefert. C’est également à Chaumont que Paul Daum, masquant ses activités de résistant derrière celles d’industriel du verre, a rencontré, le 20 janvier 1942, le général Jean Giraud, non pas le célèbre rival du général de Gaulle mais le militaire dont la famille dirigeait la verrerie de Passavant-la-Rochère, en Haute-Saône.
Fruit de recherches l’ayant amené à correspondre et à rencontrer la fille de Paul Daum et les membres de sa famille, “Paul Daum. Maître verrier de l’art déco. Aviateur. Résistant” est l’ouvrage incontournable pour connaître, en 326 pages, la vie d’un homme dont le nom a fait la gloire de la ville de Nancy. L’auteur a d’ailleurs suggéré à la municipalité que la rue qui lui rend hommage soit « rectifiée » en « Rue du Général Paul-Daum, maître verrier. Paul Daum tenait plus que tout à son titre de maître verrier ».
Lionel Fontaine