Pas si flou que ça – L’édito de Patrice Chabanet
Entre les tweets et les déclarations à l’emporte-pièce, il est difficile de suivre la pensée trumpienne. L’ami d’hier peut devenir l’ennemi de demain, et inversement. Un jour, Donald Trump annonce le retrait quasiment immédiat des troupes américaines de Syrie. Le lendemain, il se rend en Irak pour conforter la présence militaire des Etats-Unis dans ce pays. De quoi déconcerter les plus fins observateurs de la politique menée actuellement à la Maison-Blanche.
De ces contradictions il ressort un discours finalement bien rodé pendant la campagne électorale : l’Amérique ne veut plus être le gendarme du monde. Mais avec Trump, inutile de chercher des raisons morales ou géostratégiques. En homme d’affaires qu’il a été et qu’il reste dans l’âme, le président américain a fait ses comptes : l’addition est trop lourde, avec des alliés qui rechignent à mettre la main à la poche. D’où cette politique de coups de bluff ou de poker. Pas de vision globale, mais une action au cas par cas, avec des retournements spectaculaires, comme on l’a vu avec la Corée du Nord.
En fait, Trump joue un peu (beaucoup) sur les mots. S’il n’entend pas voir son pays rester gendarme du monde, il est bien décidé à dicter une politique étrangère qui ne souffre aucune remarque, aucun conseil, aucun compromis. Les sanctions prises à l’égard des entreprises européennes qui auraient la tentation de commercer avec l’Iran révèlent une relation déséquilibrée entre les Etats-Unis et leurs alliés. C’est une externalisation du droit américain qui ne veut pas dire son nom. Empêtrés dans leurs problèmes internes, sur fond de nationalismes renaissants, les Européens ne peuvent que subir. Ils n’ont pas, ils n’ont plus la capacité d’exiger de Trump davantage de considération pour ses alliés. En fin de compte, ce sont des démissions, comme celle du secrétaire à la Défense, James Mattis, qui auront peut-être une chance de faire entendre raison à Trump. Peut-être.