Pas si anodin – L’édito de Christophe Bonnefoy
Le béluga est mort. On entend déjà les persifleurs exprimer leur colère avec une certaine virulence. Comment ! Des images en continu de cet animal découvert égaré dans la Seine ! Un simple animal qui viendrait reléguer au second plan, sur les chaînes d’information, la détresse de ces milliers d’habitants victimes de la reprise des incendies dans le Sud-Ouest ? Nous ferait oublier qu’en Ukraine, les attaques de l’armée russe continuent à faire des centaines de morts chaque jour ? Ou que les provocations de la Chine pourraient bien nous entraîner dans un vaste conflit dont on n’ose par peur imaginer les conséquences ?
On ne parle même pas de ceux qui dénonceront, sans le connaître, le coût de l’opération. Tout ça pour ça. Tout ça pour finalement euthanasier l’animal, dont l’état s’était subitement dégradé sur sa route en camion vers Ouistreham, d’où il aurait pu être relâché vers son milieu naturel. Un simple animal ? Pas que. Sûrement aussi, dans l’inconscient collectif, de ces symboles qui donnent encore à s’émouvoir parfois. Qui redonnent un peu d’humanité à un monde qui en manque cruellement.
Et au-delà d’un simple fait d’actualité, pose la question d’un environnement qui de plus en plus avance – ou recule, c’est selon – au rythme du dérèglement. Cette tentative de sauvetage est intervenue quelques semaines après celle, avortée également, d’une orque entre Rouen et Le Havre. Si d’aventure on ne se sentait même pas un tantinet touché par le sort de l’animal, au moins devra-t-on plus égoïstement constater que ce qui touche notre Terre et la détruit nous détruit ou nous détruira également par ricochet. Voilà qui va bien au-delà de cet épisode médiatique.