Commentaires (0)
Vous devez être connecté à votre compte jhm pour pouvoir commenter cet article.

Pas d’emballement – L’édito de Patrice Chabanet

 

L’armée a fini par le débrancher. La dernière image de Bouteflika avait quelque chose de sépulcral. L’homme, plus qu’affaibli, a été dessaisi des dernières parcelles de pouvoir qu’il donnait l’illusion de détenir. Fin du premier acte de cette nouvelle révolution algérienne. Elle était prévisible, sans être certaine. Le peuple a célébré bruyamment une victoire arrachée de haute lutte, mais le plus calmement possible. L’effet d’une force tranquille, aurait-on dit de ce côté-ci de la Méditerranée. L’éviction de Bouteflika était nécessaire pour répondre aux aspirations de la rue, mais pas suffisante. Trop d’incertitudes pèsent sur la suite de la pièce qui se joue actuellement.

L’armée a précipité le mouvement, en donnant le coup de grâce. Mais le geste de l’état-major n’est sans doute pas sans arrière-pensée politique. Très proche du président déchu, il l’a sacrifié sur l’autel de la contestation pour mieux sauver ses propres meubles. Le clan Bouteflika bouge encore et n’entend pas lâcher la rampe. La période actuelle constitue un vide propice à toutes les revanches et à tous les coups tordus. L’intérim présidentiel confié au président du Conseil de la nation (l’équivalent du Sénat chez nous) refroidit déjà l’enthousiasme populaire : Abdelkader Bensalah, 77 ans, est lui aussi un très proche de Bouteflika. Or c’est lui qui doit garantir, dans les 90 jours, l’organisation de l’élection présidentielle. On comprend dès lors pourquoi, dès hier, les manifestants ne se satisfaisaient pas de la seule mise à l’écart du chef de l’Etat. Ils réclament le démantèlement de ce qu’ils appellent « le clan » ou « le système ». Il est bien là le malentendu. D’un côté, un peuple qui entend nettoyer les écuries d’Augias de la nomenklatura algérienne. De l’autre, une gérontocratie, dans l’armée et dans les affaires, qui va tout essayer pour garder le pouvoir quitte à se séparer de quelques branches mortes. D’où ce mélange de liesse et de méfiance dans un peuple qui ne veut pas se faire voler les fruits de son combat. La victoire finale n’est pas acquise. D’autres vendredis seront nécessaires pour l’assurer définitivement.

Sur le même sujet...

édito
Secousses sociales – L’édito de Patrice Chabanet
Edito

Les tumultes qui secouent la scène internationale ne parviennent plus à couvrir les craquements de notre économie. Casino et Duralex, pour citer des noms emblématiques, luttent pour leur survie à(...)

édito
L’air étonné – L’édito de Christophe Bonnefoy
Edito

Il fut un temps où La France insoumise avait un potentiel pouvoir de séduction. Une époque où le côté Robin des Bois pouvait agir comme un aimant auprès des électeurs,(...)

édito
America is back – L’édito de Patrice Chabanet
Edito

Joe Biden veut aller vite. Trop de temps perdu dans les guérillas de politique intérieure. Des semaines et des semaines à faire attendre les Ukrainiens. Dans une démarche de compensation,(...)