Pahin de la Blancherie, l’homme du “premier musée” de France
CES ILLUSTRES INCONNUS DE LANGROIS. Journaliste et amateur d’art né à Langres au mitan du XVIIIe siècle, Pahin de La Blancherie est, au milieu d’une existence pour le moins tumultueuse, le premier à avoir fondé, à Paris, une salle artistique et savante sans restriction d’exposants et ouverte au public. D’aucuns y voient le premier musée moderne de France.
Quel drôle de personnage que Mammès-Claude-Catherine Pahin-Champlain de La Blancherie, dit Pahin de la Blancherie. Journaliste touche-à-tout, à la volonté de partage inébranlable, il fut mille fois ruiné. Et tenta mille fois de se relever. Dès le départ, l’Histoire le met en porte-à-faux : selon l’immense majorité des sources, il est né le 29 décembre 1752. S’appuyant sur le registre d’état-civil paroissial, le Dictionnaire des journalistes affirme qu’il s’agit du 29 décembre 1751. Il demeure une certitude, la plus importante : c’est à Langres !
Fils de Jean Baptiste Pahin de Leuchey, conseiller d’épée (magistrat) et de Marguerite Parisot, Pahin prend rapidement le nom de Pahin de la Blancherie, du nom du jardin de la propriété familiale. Suivant les cours de l’abbé Reffroignet puis du Collège de Langres, il rejoint ensuite Paris, vers 1771 ou 1772, pour suivre une prestigieuse formation, notamment auprès de Capperonnier, avant de bifurquer vers la faculté de droit d’Orléans. Entre-temps, il a effectué un voyage à Saint-Domingue, vers 1768, dans l’espoir d’y faire fortune en négoce. C’est un premier échec, mais le jeune Pahin en revient toutefois avec une conviction solidement ancrée qui ne se démentira jamais : l’esclavage est une abomination.
La folie Newton
Après une courte carrière (moins d’un an) comme Inspecteur des Finances, il se bombarde lui-même, en 1777, agent général de la correspondance pour les sciences et les arts. Deux ans après, il crée, à son domicile parisien de la rue de Tournon, le Salon de la Correspondance, auquel il confère une triple vocation : salon littéraire, salle d’exposition artistique et base pour une feuille périodique, Les Nouvelles de la république des Lettres et des arts. A ce moment-là, l’œuvre se veut révolutionnaire, avant-gardiste. Les “musées” sont alors, en effet, limités aux artistes approuvés par l’académie, tandis que Pahin ne disposera aucune restriction. Son salon étant ouvert de manière hebdomadaire, d’aucuns y voient le premier musée moderne, du moins dans son fonctionnement.
L’aventure fonctionne, cahin-caha, pendant moins d’une dizaine d’années. Malgré une relance, en 1781, rue Saint-André-des-Arts, elle tourne court. Les “mondains” critiquent de manière acerbe Pahin, qui se raidit en retour. L’état déplorable de ses finances n’arrange rien. Criblé de dettes, il choisit finalement, en janvier 1788, de fuir ses créanciers, et s’installe à Londres, dans une modeste masure. Comme un dernier clin d’œil du destin, il découvre rapidement que cette maison fut, jadis, celle d’Isaac Newton. Ravi, Pahin souhaite aménager le lieu en… musée à la gloire du scientifique britannique. Mais, de plus en plus dément, sombrant dans la monomanie autour du physicien, il finit par s’identifier au personnage et se fait appeler “Pahin-Newton” tout en envoyant des courriers délirants exigeant, par exemple, qu’un roi d’Angleterre sur deux se nomme Newton. Il meurt, fou et pauvre, le 25 juin 1811 à Londres.
Nicolas Corté