« On a le sentiment que votre parole n’est pas libre »
Il était venu déposer plainte après l’agression de sa compagne et les blessures de son jeune frère. Mais c’est lui qui s’est retrouvé en garde à vue. Vendredi, un Chaumontais de 24 ans a été condamné pour détention, transport et vente de stupéfiants, résistance violente à deux policiers et transport de couteau.
Juillet 2023. Trois individus cagoulés qui font irruption dans un logement chaumontais, agressent une jeune femme qui passe à travers une vitre en verre, emmènent son jeune beau-frère jusqu’à la rue Robespierre où ils le blessent à l’arme blanche. Des actes dont notre rédaction n’avait alors pas eu connaissance et qui allaient amener le compagnon et frère des victimes, Tony L., à porter plainte au commissariat.
Sauf qu’entre-temps, un témoin a rapporté aux policiers, sur les lieux d’un feu de véhicule, que le dit Tony – un ancien voisin – était détenteur d’une arme de 9 mm, qu’il lui avait demandé, sans contrainte toutefois, de garder stupéfiants, matériels et de l’argent – le témoin assure avoir vu 4 000 € dans une valise – à son domicile. Aussi, lorsque le jeune homme est venu déposer à l’hôtel de police à la suite de son dépôt de plainte pour les violences dont ont été victimes ses proches, les enquêteurs lui ont signifié… son placement en garde à vue. Ce à quoi Tony L. a voulu se dérober en prenant la fuite. Avant d’être maîtrisé, deux fonctionnaires auront été blessés en chutant dans les escaliers, avec pour l’un d’entre eux une interruption temporaire de travail (ITT) supérieure à douze jours. Depuis, le jeune Chaumontais est en détention provisoire.
« Il est où, le trafic ? »
A l’audience, vendredi 6 octobre, Tony L. avoue son incompréhension. S’il reconnaît une grande partie des faits reprochés – consommation de drogue, port d’un couteau au moment de son audition, tentative de fuite -, il réfute les allégations du témoin ayant parlé du 9 mm (« je n’ai jamais eu d’arme de ma vie »), l’importance des sommes évoquées, il n’a non plus pas souvenir d’une chute dans les escaliers des deux policiers, et il est encore moins trafiquant de drogue.
Son avocat, Me Le Bigot, s’’interroge sur le « mobile » du fameux témoin – en échange de son service, « monsieur s’attendait à avoir plus d’argent », assène-t-il. Il se montre également surpris qu’il n’ait pas fait l’objet, pour le moins, d’une information judiciaire pour avoir gardé à son domicile des stupéfiants. Il se demande encore où en est l’enquête sur la double agression dont été victimes compagne et jeune frère du prévenu. Et puis, relève l’avocat, « 3,8 kg de résine de cannabis – pas de cocaïne – ont été retrouvés lors des perquisitions. Il est où, le trafic ? ».
« De quoi parlez-vous ? »
Or, pour l’avocat général, le prévenu est un trafiquant, qui « minimise son implication ». Et dont les proches ont été victimes d’un « gros règlement de comptes sur fond de stupéfiants », estime la présidente du tribunal. « Je ne vois pas de quoi vous parlez », répond le jeune Chaumontais de 24 ans. « On a le sentiment que votre parole n’est pas libre », s’étonne un des magistrats.
Le parquet avait sollicité quatre ans de prison dont deux ferme. Au total, en incluant la révocation d’un sursis pour une précédente condamnation (son casier porte dix mentions, qui lui ont valu d’être sous bracelet électronique jusqu’en mars 2023), Tony L. a été condamné à 18 mois d’emprisonnement ferme.
Rappel utile
Les comptes-rendus d’audience publiés dans la presse suscitent souvent de vives réactions parmi les parties prenantes des dossiers. Il n’est pas superflu de rappeler que ces comptes-rendus sont le reflet des seuls propos tenus en audience, par les prévenus, magistrats, parties civiles, avocats. Si une partie prenante d’une affaire n’est pas présente le jour de l’examen public du dossier, sa version des faits ne saurait prendre place a posteriori dans nos colonnes.