On travaille pour de bon à l’ESAT de Bourbonne-les-Bains (et on est d’ailleurs craints)
Dans le cadre de la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, le sous-préfet de l’arrondissement de Langres s’est rendu, mercredi 16 novembre, à l’ESAT de Montlétang à Bourbonne-les-Bains. Pour voir comment ses « compagnons » rejoignent la vie en commun, en travaillant. Et rappeler que l’inclusion emprunte aussi d’autres voies.
« Nous employons des personnes souffrant de handicap intellectuel -à 80%- ou psychique -les 20% restants ». Le directeur de l’établissement et service d’aide par le travail (ESAT) de Montlétang Stéphane Recouvreur répond volontiers aux questions qui lui sont posées, mercredi 16 novembre. Le sous-préfet de l’arrondissement de Langres va les multiplier. Dans le cadre de la semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, Emmanuelle Juan-Keunebroek est venue voir un exemple concret d’inclusion professionnelle des plus fragiles d’entre nous, à Bourbonne-les-Bains. En rappelant qu’il existe d’autres moyens de se fondre dans la vie en commun, notamment en ayant un logement, mais aussi en adhérant à une association… A l’ESAT, les personnels s’appellent des compagnons. « Sont-ils, comme on le constate dans des entreprises classiques, susceptibles de changer d’employeur ? ». Il existe en tout cas des échanges avec d’autres ESAT, comme celui de Breuvannes-en-Bassigny, lui explique le responsable. L’établissement bourbonnais a pour avantage d’échapper à des « problèmes d’âge » : il n’a que 14 ans.
600 Haut-Marnais sur le seuil des ESAT
« Le tout inclusif pour tout le monde est inenvisageable ». Stéphane Recouvreur revient sur « l’ensemble des inclusions » évoqué par le sous-préfet. « Non, les compagnons n’iront pas travailler demain chez Velux », même si de la sous-traitance a existé. En revanche, on a cherché à remiser les anciennes habitudes : l’ESAT ne prévoit pas d’hébergement associé. « On veut que les compagnons vivent dans le tissu local ». Opportunité pour Emmanuelle Juan-Keunebroek d’insister sur « la nécessité » de l’inclusion par l’habitat… Et le directeur s’est jeté à l’eau, c’est d’une grosse difficulté dont il a voulu faire état. « En Haute-Marne, il y a un moratoire sur la création de places en ESAT… depuis 10 ans. Aujourd’hui, 600 Haut-Marnais sont inscrits sur liste d’attente ». À Montlétang, il y a 25 places. « Et on a encore des demandes tous les jours ». Avant de soupirer : « en Haute-Marne, on nous reproche d’être surdotés… ».
« Piqueurs de travail »
« Nos clients sont essentiellement l’hôpital et l’EHPAD, et des hôtels ou meublés – pour 30% ». La propriétaire d’un cabinet dentaire tient à dire qu’après le Covid, elle a sollicité la blanchisserie de Montlétang… et que désormais, elle « a la traçabilité » qui va bien à l’Agence régionale de santé. « Les compagnons sont sur le volet production, même s’ils peuvent participer un peu aux livraisons ». Si c’est bien sûr un moyen supplémentaire de rejoindre la vie en commun, la sortie de l’enceinte de l’ESAT reste difficile pour ses compagnons. Le mouvement s’opère donc en interne, où la règle est le changement de poste chaque semaine. « On fait en sorte que chacun soit polyvalent ». Reste qu’il ne faut pas se raconter d’histoires : il reste ardu pour ces personnes souffrant de handicap de vivre avec « tout le monde ». Parce qu’elles sont peu mobiles, et parce que « le regard des autres » les crucifie. Au total, en dehors de l’établissement, « elles restent repliées sur elles-mêmes ». Après avoir signé des contrats de sous-traitance, Montlétang essaie que ses compagnons aillent dans les entreprises clientes. Las, la rencontre avec des salariés « valides » tourne trop souvent au rejet. « Ils viennent nous piquer notre travail », s’entendent souvent dire les compagnons. « Il faudrait pouvoir faire un ESAT hors les murs… mais pour nouer un partenariat à deux, encore faut-il tenir le deuxième… ». En clair, la première des résistances viendrait de l’espace commun…
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr